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La chapelle et la nécropole russe

En décembre 1915, un accord fut conclu entre la France et la Russie. En échange de matériels et de munitions, les Russes mirent à disposition de la France quatre brigades d'infanterie constituées de huit régiments soit un effectif de 44 000 hommes. La 2e et la 4e brigade furent intégrées à l'armée du général Sarrail stationné à Salonique dans les Balkans. Ils se battirent sur le front des Balkans jusqu'en janvier 1918. La 1re brigade du général Lochwitsky et la 3e brigade du général Maruchevski, toutes deux sous les ordres du général Palitzine, furent dirigées vers la France.

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La chapelle russe

Les 20 000 hommes de la 1re et de la 3e brigade arrivèrent au printemps 1916 à Marseille après un voyage de trois mois via la Sibérie, la mer de Chine, l'océan indien et Suez. La 1re brigade était constituée du 1er régiment venant de Moscou et du 2e régiment venant de Samara. La 3e brigade comprenait le 3e régiment d'Ekaterinbourg et le 6e régiment provenant de Tcheliabinsk. Les deux brigades furent ensuite cantonnées au camp de Mailly dans l'Aube. En juin 1916, la 1re brigade monta en 1re ligne à Aubérive en Champagne. Elle y sera relevée par la 3e brigade en octobre 1916. Celle-ci resta en 1re ligne jusqu'au début de 1917. Un détachement russe participa au défilé du 14 juillet 1916 sur les Champs-Élysées où il fut acclamé par la foule. Le 15 mars 1917, le Tsar Nicolas II abdiqua suite à la révolution bolchévique. Les militaires russes prêtèrent serment au gouvernement provisoire le 13 avril 1917. À la même période, la 1re et la 3e brigade furent rattachées à la 5e Armée française du général Mazel stationnée au Chemin des Dames.

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Canon exposé derrière la chapelle

Le 16 avril 1917, les régiments russes passèrent à l'attaque au nord-ouest de Reims lors de l'offensive française au Chemin des Dames. En deux jours de combat, ils prirent les ruines de Courcy, la côte 108, le mont Spin et le village de Sapigneul. Ils firent 1000 prisonniers allemands. Ils furent relevés le 20 avril 1917 par des troupes françaises. Les régiments russes auront perdu en quatre jours de combat 70 officiers et 4472 hommes. Ils seront cités à l'ordre de l'armée pour leurs exploits. Évacués au camp de Neufchâteau, les Russes se scindèrent en deux groupes, l'un communiste et l'autre loyaliste, partisan du gouvernement de Kerenski. En juillet 1917, les 16 000 hommes et 290 officiers russes furent internés par les français au camp de la Courtine dans la Creuse.

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Un des ossuaires

À ce moment, une crise éclata entre les factions communistes et loyalistes qui amenèrent la 3e brigade à aller cantonner à Felletin. Les Français restèrent neutres dans cette affaire jusqu'à la conclusion d'un accord avec les autorités de Moscou. Ils sommèrent alors les mutins de se rendre. Le ministre de la guerre, Paul Painlevé, ordonna à l'armée française d'effectuer un blocus du camp et fit rétablir l'ordre par les Russes loyalistes. Les 16 et 17 septembre 1917, l'armée française tira au canon de 75 sur le camp, provoquant la mort d'une dizaine de Russes. Les 7500 mutins se rendirent le 17 septembre 1917. La 1re brigade fut ensuite internée au camp de la Courtine tandis que la 3e brigade fut transférée au camp de Courneau en Gironde. Après la prise du pouvoir par les communistes en Russie, la France offrit aux soldats russes trois possibilités. Soit ils s'engagent dans l'armée française (400 d'entre eux firent ce choix), soit ils deviennent des volontaires affectés aux travaux militaires (11 000 firent ce choix), soit ils sont internés dans un camp en Afrique du Nord (4800 d'entre eux). Les 8000 survivants de ceux qui choisirent d'être volontaires aux travaux militaires et de ceux qui furent internés en Afrique du Nord furent renvoyés à Odessa en 1919. Ceux qui choisirent l'armée française formèrent la légion russe commandée par le général Goutova et furent affectés à la Division Marocaine du général Daugan. La légion russe participa en 1918 aux batailles de la Somme, du Soissonnais et du Chemin des Dames. Elle fut citée deux fois à l'ordre de l'armée et gagna la fourragère de la Croix de Guerre. Après l'armistice, elle occupa la ville allemande de Mannheim. Pendant ce temps, la 2e et la 4e brigade continuèrent de se battre sur le front oriental. La 2e brigade fut citée à l'ordre de l'armée par le général Sarrail pour son attaque à Monastir en 1916. Des 44 000 Russes venus se battre aux côtés des Français, 8000 furent tués et 17 000 furent portés disparus.

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La chapelle russe de St-Hilaire-le-Grand est dédiée aux soldats russes morts au front en France et dans les Balkans. Elle fut construite entre 1936 et 1937 par l'architecte russe Albert Benois qui en assura également la décoration. Elle est inspirée du style Novgorod du XVe siècle. Elle possède des murs blancs, un toit vert clair (symbole de la terre), un clocheton bleu (symbole du ciel) et un clocheton doré. Sa construction fut financée par une souscription à laquelle participa grandement le compositeur Rachmaninov. Elle fut inaugurée en 1937 par le général Gouraud, président d'honneur de l'association des officiers russes anciens combattant sur le front français. Elle fut consacrée par l'archimandrite orthodoxe Alexis Kireevsky.

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À côté de la chapelle se déploie sur 3412 m2 le cimetière russe. Établi dès 1916, il devient en 1922 un cimetière de regroupement pour les Russes. Il offre une dernière demeure à 915 Russes (489 en tombes individuelles et 426 en deux ossuaires). En 1916 y furent inhumés une centaine de corps. En 1917, ils furent une trentaine. Entre 1922 et 1934, 740 corps y furent transférés depuis différents cimetières de la région. En 1935, 14 corps identifiés comme des soldats polonais furent transférés vers le cimetière polonais du Bois du Puits à Auberive. En 1957, 1960 et 1972, une dizaine de corps y prirent place. Ils furent rejoints en 1988 par 35 autres corps. Tous ces Russes furent tués durant la 1re Guerre mondiale sauf un. Dans une des tombes repose Wladimir Reskine, sous-lieutenant du 23e régiment de marche des volontaires étrangers, mort pour la France le 8 juin 1940.

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En face du cimetière, dans une clairière, de l'autre côté de la route se trouve un monument érigé en 1917 sur les lieux des 1ers combats menés par les fantassins russes du 2e régiment. Sur ce monument figure l'inscription "Enfants de France ! Quand l'ennemi sera vaincu et que vous pourrez librement cueillir des fleurs sur ces champs, souvenez-vous de nous, vos amis russes, et apportez-nous des fleurs".

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Ces photographies ont été réalisées en juin 2016.

 

Y ACCÉDER:

La chapelle et le cimetière russe sont situés le long de la D21 allant d'Auberive à Mourmelon. La chapelle n'est malheureusement ouverte qu'à de rares occasions.

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 29 septembre 2016

Cette page a été mise à jour le 29 septembre 2016