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La bataille de Reichshoffen

Sur les hauteurs, entre Reichshoffen à l'ouest et Woerth à l'est s'est déroulé le 6 août 1870, la deuxième bataille de la guerre franco-allemande de 1870/1871. Cinquante mille Français affrontèrent les 88000 hommes de la coalition allemande. Vingt et un mille morts restèrent sur le champ de bataille au soir de cette funeste journée.

le champ de bataille
Le champ de bataille

Bismarck voulait regrouper les états du sud de l'Allemagne avec la confédération des états du nord pour créer une grande Allemagne. Il est cependant convaincu que Napoléon III n’y consentira jamais. Une série de manigances diplomatiques de la part de Bismarck vont créer un piège dans lequel va tomber Napoléon III. Les tiraillements entre les différents hommes politiques français vont d'ailleurs grandement aider Bismarck. Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à l'Allemagne. Les deux peuples, chacun convaincu de son bon droit, vont se ruer l'un sur l'autre. Napoléon III n'ayant pas réussi à obtenir d'alliance diplomatique, l'Italie, l'Autriche, l'Espagne et la Grande-Bretagne se déclarent neutres dans cette affaire.

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Le monument du 11e Régiment d'artillerie de la Hesse

Les Français sont convaincus que la guerre sera courte et qu'ils écraseront sans problème les Allemands (le même sentiment exista en 1914). La première bataille fut tout autre. Celle-ci eut lieu à Wissembourg. Le 4 août 1870, la division française Abel Douay y fut écrasée par les Allemands. Le 6 août, la 3e armée allemande commandée par le Kronprinz Fréderic Guillaume de Prusse stationne sur la rive est de la Sauer. En face, sur les hauteurs, sont regroupées les forces françaises sous les ordres du Maréchal de Mac-Mahon. Cette journée devait permettre aux troupes françaises de se regrouper et d'acheminer des renforts. L'état-major allemand n'attendait aucun engagement pour cette journée.

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Le monument du 83e Régiment d'infanterie de la Hesse

À partir de 7 heures du matin, des escarmouches entre patrouilles françaises et allemandes puis un échange de coups de canon engagent la bataille contre la volonté des états-majors. Durant toute la matinée, les Français contiennent les assauts allemands. Ils leur infligent même de lourdes pertes. À partir de midi, les Allemands prennent progressivement l'avantage. Ils exercent une forte pression sur les Français surtout autour de Froeschwiller et d'Elsasshausen. Les Français se battent à un contre quatre.

Au sud du champ de bataille, autour de Morsbronn, la 4e division du Général Lartigue subit l'artillerie allemande et risque le contournement par l'infanterie prussienne du Général Schkopp. Vers 13 heures, afin de leur venir en aide, les 8e et 9e Cuirassiers et deux escadrons du 6e Lancier de la brigade du Général Michel chargent les troupes allemandes. Mais le terrain, planté de vignes et de houblons, n'est pas fait pour des charges de cavalerie. Les Prussiens embusqués derrière ces obstacles les tirent à bout portant. Nos vaillants cavaliers parviennent cependant à repousser l'ennemi vers Morsbronn. En chargeant, les cuirassiers pénètrent dans le village par le nord. Ils suivent la rue principale et à la bifurcation, certains prennent à gauche vers Woerth et débouchent dans la plaine. Mais les plus nombreux prennent à droite où la rue leur semble plus large. Malheureusement pour eux les apparences sont trompeuses. La rue se rétrécit progressivement et après deux virages à angle droit, se transforme en souricière. Les cuirassiers s'y entassent et sont des cibles faciles pour les Prussiens retranchés dans les maisons. Peu de temps après, les deux escadrons du 6e Lancier suivent le même chemin et sont également massacrés.

le monument français
Le monument français

Vers 15h, la division de cavalerie du Général de Bonnemains, composé de quatre régiments de cuirassiers, charge entre Froeschwiller et Elsasshausen. En l'espace d'une heure, elle part dix-sept fois à la charge. Une de ces charges voit le Colonel Lafutsun de Lacarre se faire décapité par un obus. Son corps visé sur son cheval et sabre au poing poursuit son assaut vers Woerth.

la tombe du colonel Lafutsen
Les tombes du Sous-lieutenant Nouraux, du colonel Lafutsen et d'un anonyme.

À peu près au même moment, le 1er régiment de Tirailleurs algériens, les Turcos, charge à la baïonnette à Elsasshausen. Cette charge, que les tirs violents des Prussiens n'arrête pas, sème la panique dans les rangs allemands. Elle se relève fructueuse. Elle permet la reprise du village et de l'artillerie perdue. La charge se brise cependant sur le feu nourri des Prussiens repris de leur surprise et embusqués dans le bois. Le Général Hausmann, commandant l'artillerie du 11e Corps prussien, les canonne sur le flanc gauche à l'aide de boites à mitrailles. Les trois charges successives des Turcos sont décimées par la contre-attaque prussienne. À 16h, le sacrifice des Turcos est consommé.

monument à la gloire des zouaves
Monument à la gloire des 1er, 2e et 3e Zouaves

Au nord, dans le bois de Froeschwiller, les 2300 hommes et officiers du 2e régiment de Tirailleurs algériens résistent vaillamment aux charges du 2e Corps bavarois. Ils parviennent même à les rejeter à l'est de la Sauer. Le régiment finit cependant par être encerclé. À court de munitions, ils se battent à la baïonnette et tombent les uns après les autres.

fosse commune française
Une des fosses communes française

La bataille s'achève vers 17h lorsque les charges allemandes repoussent les Français au-delà de Froeschwiller. L'état-major allemand comptabilisera 487 officiers et 10153 sous-officiers et hommes tués lors de cette bataille. Les pertes de l'armée française sont estimées à 11000 morts et 9000 prisonniers. Des 2300 hommes du 2e régiment de Tirailleurs algériens seuls, 8 officiers et 441 hommes ont pris le chemin du repli. Des dix régiments de Cuirassiers que comptait l'armée française, six ont été anéantis durant ce jour. Le 8e cuirassier ne compta que 17 survivants, le 9e une cinquantaine. Les deux escadrons du 6e Lancier sont totalement décimés. Les Allemands réquisitionnèrent tous les hommes valides des villages environnants pour enterrer les morts. La triste besogne prendra près de huit jours.

le mémorial français
Le mémorial français

Sur le terrain, il ne subsiste à l'heure actuelle que les monuments à la gloire des combattants et des tombes. Nous allons commencer notre périple en partant de Reichshoffen. À droite de la D28 en direction de Woerth se trouve le monument le plus récent. Celui-ci est dédié à la gloire des cuirassiers et a été inauguré en grande pompe en 1970. À la sortie de Froeschwiller avant le cimetière sur la droite, une petite route mène vers Elsasshausen. Elle longe la plupart des monuments.

monument chasseurs du Wurtenberg
Le monument du 3e bataillons de chasseurs du Wurtenberg

tombes allemandes
Les tombes du capitaine Von Beeren, du capitaine Schussler
et du soldat Neufer

Le premier est dédié aux cinquante chasseurs et aux seize officiers et sous officiers du 3e Bataillon de Chasseurs du Wurtemberg tué lors de la bataille. Il côtoie la tombe de Hans Von Beeren (27 ans), Capitaine du 2e régiment royal d'infanterie de Prusse et les tombes du Capitaine Schussler et du soldat Wilhelm Neufer du 2e régiment royal d'infanterie du Wurtemberg. Un peu plus loin est la tombe du Colonel Louis Charles Henri de Lafutsun de Lacarre du 3e Cuirassier dont le corps, décapité par un obus, continua la charge rivé à son cheval. À ses côtés, la tombe du Sous-lieutenant Henri Nouraux du 8e bataillon de chasseurs à pied et une tombe anonyme. Presque en face, un monument de granit rappelle le souvenir du Colonel Lacarre.

monument lacarre
Le monument du colonel Lacarre

Après la bifurcation à gauche apparaît l'imposant monument aux morts du 83e régiment d'infanterie de la Hesse et des principautés de Waldeck et de Pyrmont. Celui-ci est couronné par un lion. L'épitaphe nous signale qu'"Ils furent dignes de la gloire de leurs pères et au cours de luttes sanglantes accrochèrent de nouveaux lauriers à leurs drapeaux glorieux".

83ème régiment d'infanterie de la Hesse
Le monument du 83e régiment d'infanterie de la Hesse

95ème régiment d'infanterie de Thuringe
Le monument du 95e régiment d'infanterie de Thuringe

Sur la gauche vient ensuite le monument à la gloire du 95e régiment d'infanterie de Thuringe. Le bloc central est frappé des armes de l'ancien duché surmontant la célèbre devise "Gott mit uns" (dieu avec nous). À côté, une croix en fer marque la tombe d'Erwin Von Heinerus, 1er Lieutenant du 88e régiment d'infanterie de Hanau mort à 28 ans. En face, deux autres tombes marquent l'endroit où la seconde charge des cuirassiers du Général Bonnemains vint se briser sur la ligne Allemande. L'épitaphe de la 1re tombe est illisible. L'autre tombe est celle du Capitaine Léonard d'Eggs du 4e régiment de cuirassiers mort à 30 ans.

la tombe d'Erwin Von Heinerus
La tombe d'Erwin Von Heinerus

la tombe du Capitaine Léonard d'Eggs
La tombe du Capitaine Léonard d'Eggs

le monument du 11<sup>e</sup> régiment d'artillerie de campagne de la Hesse
Le monument du 11e régiment d'artillerie de campagne de la Hesse

À la sortie d'Elsasshausen se dresse le monument du 11e régiment d'artillerie de campagne de la Hesse. De la plate-forme au sommet de cette tour, la vue embrasse l'ensemble du champ de bataille. Les colonnes du premier étage sont constituées par huit canons. Nous parvenons maintenant au grand monument français érigé à l'emplacement des contre-attaques françaises. Le monument a été érigé en 1956 à la place d'un ancien monument détruit durant l'occupation nazie. Il est constitué d'un obélisque supportant l'épitaphe "6 août 1870. L'armée française à la gloire des généraux, officiers, sous-officiers et soldats des 1er, 5e et 7e Corps mort pour la France". À ces pieds, quatre dalles montrent les uniformes des Corps qui se sont battus ici : les Zouaves-Turcos, l'infanterie de ligne, l'artillerie et les Cuirassiers. À côté se dresse un monument à la gloire des 1er, 2e et 3e Zouaves et deux fosses communes.

le monument français
Le monument français

les stéles du monument français

stéle du monument français

la 3<sup>e</sup> stéle

la 4<sup>e</sup> stele

Au centre de Woerth, sur la route allant vers Lembach, se trouve l'imposant monument à la gloire des soldats bavarois. L'ange de la victoire aux ailes déployées dresse une couronne de laurier au-dessus d'un soldat qui serre sur sa poitrine le drapeau de son pays. À leurs pieds le lion de Bavière, le lion des héros, veille pour l'éternité. Sur les plaques de bronze scellées dans le massif du monument sont inscrits les noms des batailles livrées par les soldats bavarois.

le monument bavarois
Le monument à la gloire des soldats bavarois

Au nord de Woerth sur la hauteur dominant la rive gauche de la Sauer, un modeste monument rappelle le sacrifice des Turcos. Il côtoie le monument des troupes du Niederschleswig. En rebroussant chemin en direction de Froeschwiller, nous trouvons à droite de la route en haut de la côte, le monument du 6e régiment de grenadiers prussiens. Ce régiment perdit 320 hommes et compta 586 blessés. Ce monument porte le buste de l'empereur Guillaume et est dominé par une urne ornée de la croix de fer.

le monument des turcos
Le monument des Turcos

le monument des troupes du Niederschleswig
Le monument des troupes du Niederschleswig

le monument prussien
Le monument du 6e régiment de grenadiers prussiens

D'autres monuments sont disséminés dans les environs. Certains ne sont cependant plus que des vestiges n'ayant pas eu la chance d'être reconstruit après les destructions inévitables dues aux deux autres guerres qui virent l'Alsace et la Moselle changer cinq fois de nationalité en 75 ans. Les nombreux monuments allemands témoignent de l'issue de la bataille et des vainqueurs. Le sacrifice des troupes françaises fut totalement inutile. La bataille, entièrement improvisée, ne retarda l'avance des troupes allemandes que d'une journée.

ancien monument allemand
Vestiges d'un ancien monument allemand

ancien monument allemand bis
Le promontoire supportant le monument

Ces photographies ont été réalisées en mai 2009.

 

Y ACCÉDER:

De Reichshoffen, prendre la D28 vers Woerth. À Froeschwiller, prendre après la 2e église la route partant à droite avant le cimetière. Prendre ensuite à gauche. À Woerth, en arrivant sur la grande rue, prendre à gauche vers Lembach. Après le monument bavarois, continuer vers Lembach. À la sortie de Woerth, prendre le chemin à gauche après l'usine pour accéder au monument des Turcos. Rebrousser chemin et prendre la route vers Froeschwiller pour le monument prussien.

Les vestiges d'un monument allemand sont situés dans le bosquet à droite juste avant le sommet de la côte à la sortie de Woerth vers Merkwiller-Pechelbronn (D28).

 

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 23 août 2009

Cette page a été mise à jour le 13 février 2015