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Le Léomont et les batailles de Lorraine

La colline du Léomont, la côte 336 pour l'armée française, se trouva, en 1914, au cœur des deux batailles majeures de Lorraine, la bataille de la Trouée de Charmes (23 au 26 aout 1914) et la bataille du Grand Couronné (4 au 12 septembre 1914), toutes deux des victoires françaises. Cette colline était considérée par les militaires comme un observatoire stratégique qui permettait de ses 337 m d'altitude d'avoir une vision à 360° de la région. Au sommet de cette colline se trouvait, depuis 1097, un prieuré. Abandonnés en 1752, l'église et le cloitre furent transformés en écurie et en ferme. En 1914, les propriétaires purent s'enfuir juste avant le début des combats pour la maitrise des lieux.

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Le monument du Léomont

L'indécision qui régna au commandement allemand après les batailles de Morhange et de Sarrebourg (19 et 20 aout 1914) donna aux unités françaises le temps nécessaire pour exécuter leur manœuvre de repli et de se regrouper sur les collines autour de Nancy (le Grand Couronné) et dans les Vosges. Ces victoires allemandes ne furent cependant pas considérées comme suffisantes, car contrairement au plan Schlieffen les Français ne furent pas pris à revers. Le général Helmuth Johannes Ludwig Von Moltke, chef du Grand État-Major général de l'armée allemande, pressa le Kronprinz Rupprecht von Bayern à attaquer dans la Trouée de Charmes, un corridor entre Toul et Épinal. Le 23 aout, les Allemands entrèrent dans Lunéville. La VIe armée du Kronprinz Rupprecht von Bayern devait bousculer la 2e armée française du général de Castelnau afin de conquérir Bar-le-Duc. Le général Joffre décida alors de céder l'espace au nord de la Moselle en ordonnant à l'armée française de se replier sur le Grand Couronné pour reprendre l'offensive. Au cours de leur avancée, les Allemands encerclèrent le fort de Manonviller. Ils comptaient sur deux canons de 420 mm pour en venir à bout dans la journée du 24 aout. La reddition du fort ne fut cependant obtenue que le 27 aout 1914 après avoir reçu 5000 obus, dont 300 de calibre 320 et 420. Pendant ce temps, le fort continua à pilonner la voie de chemin de fer Strasbourg - Lunéville, gênant considérablement les approvisionnements allemands. Les Allemands abandonnèrent le fort le 12 septembre 1914, après en avoir dynamité tous les ouvrages.

Dans la matinée du 24 aout 1914, le IIe corps d'armée bavarois et le XXIe corps d'armée allemand s’engagèrent dans la Trouée de Charmes. Leur progression fut immédiatement détectée par l’aviation française qui fournit au général de Castelnau et au général Dubail de précieux renseignements. Après quelques heures d’un parcours facile, les Allemands s’apprêtèrent à franchir la Meurthe et la Mortagne. Après avoir réparé les ponts à Mont-sur-Meurthe et à Blainville, le IIe corps bavarois qui s'apprêtait à franchir la Meurthe fut soumis à un bombardement précis de la part de l'artillerie française. Les pertes allemandes furent importantes et compromirent la poursuite de l'offensive. La progression du XXIe corps allemand visant la ville de Charmes s'avéra très lente. Opérant plus au sud, il dut d’abord franchir la Mortagne où il fut ralenti par la solide défense du pont de Gerbéviller. À cet endroit, une soixantaine de chasseurs à pied français, commandé par l'adjudant Chèvre, réussi à bloquer les Allemands une grande partie de la journée.

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À 15 heures, les Français contre-attaquèrent, à la stupeur des Allemands, au nord de Lunéville. La 70e division commandée par le futur maréchal Fayolle et le 20e corps du général Foch refoulèrent les Allemands d’Erbéviller, de Réméréville et de Courbesseaux et progressèrent dangereusement. Pour le Kronprinz Rupprecht cette contre-attaque ne constituait cependant qu’une diversion. Au sud de Lunéville, les Français de la 1re armée reculèrent pour s’installer sur la rive gauche de la Meurthe où la VIIe armée allemande devait combattre pour les en déloger. À la tombée de la nuit, suite à la contre-attaque française au nord de Lunéville difficilement contenue, le chef d’état-major allemand, le général Krafft von Dellmensingen, proposa de retirer l’un des deux corps d’armée pour renforcer la défense de Lunéville. La situation du côté des Allemands fut difficilement rétablie dans la nuit par des renforts engagés au fur et à mesure de leur arrivée. L'ordre de forcer la Trouée de Charmes du Kronprinz Rupprecht pour la journée du 25 aout 1914 fut cependant maintenu. Au cours de la nuit, le général de Castelnau décida de créer un verrou sur la colline de Borville qui dominait un couloir que les Allemands allaient inévitablement utiliser pour emprunter le pont de Charmes. Si les Allemands atteignent le bois de Lallau, à la lisière du village de Rozelieures, ils pourront s'abriter dans la forêt de Charmes et atteindre la Moselle. Aidés des villageois, les Français hissèrent sur les hauteurs de Borville cinq groupes d'artillerie soit soixante canons de 75.

Le 25 aout 1914, au nord de la Meurthe, l’afflux massif de renforts allemands, notamment de troupes du IIIe corps bavarois, permit de rétablir progressivement la situation. Ce rétablissement ne s'opéra qu’au prix de pertes qualifiées d’effroyables par le général Von Gebsattel qui avait reçu la mission impérative d’empêcher les Français de mettre la main sur les hauteurs de Hoéville, de Serres ainsi que sur Friscati. Au sud, dans la Trouée de Charmes et dans les Vosges, les combats sont d'une portée stratégique. Si les Allemands franchissent la Moselle, ils ouvriraient entre les 1re et 2e armées françaises une brèche fatale et si les Français écrasent le IIe corps bavarois et le XXIe corps allemand, ils mettraient en déséquilibre l'ensemble du dispositif de Von Moltke. Le général de Castelnau lança, ce jour, son ordre devenu célèbre "En avant, à fond, partout".

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Sur la route qui mène à Bayon, le IIe corps bavarois se trouva bloqué par les canons français et subit d'énormes pertes. L'issue de la bataille se joua cependant à Rozelieures, à quelques kilomètres seulement de la Moselle. Cet endroit, caractérisé par une topographie moins favorable aux Français, fut choisi par le XXIe corps allemand pour attaquer. Disposant d’une nombreuse artillerie, les Allemands débutèrent un très violent assaut. À 8 h 30, le 134e régiment d'infanterie français se replia dans un certain désordre. À 9 h 50, les généraux Bajolle et de Maud'huy, commandant les deux divisions du 8e corps d’armée, annoncèrent leur retraite. Entre-temps, les Allemands s'étaient infiltrés dans le bois de Lalau. Derrière cette zone boisée s'étale la grande forêt de Charmes. Dans le secteur des 14e et 21e corps français se livra une série de combats qualifiée par la suite de "bataille des ponts de la Meurthe". Le gros des forces allemandes franchit la rivière. Vers 11 h 30, le général Dubail évoqua un scénario de repli général de son armée.

Sur la colline de Borville, le mélange d’unités de réservistes et de plusieurs groupes d’artillerie conduisit à une grande confusion jusqu’à que le capitaine Cointet, fort de l’ordre de mission signé du général de Castelnau, redistribua les rôles. Il rassembla toute l’artillerie sous les ordres d'un chef d’escadron compétent, Jean Fondeur, qui déclencha le tir des 60 canons au maximum des cadences de tir. Dans la plaine, le capitaine de Miribel, informé des dangereuses infiltrations allemandes dans le bois de Lalau, rameuta sur le 2e bataillon de chasseurs à pied, le 6e groupe de cyclistes ainsi qu’un demi-escadron du 1er régiment de hussards et les dirigea immédiatement dans le bois. La bataille était alors en train de basculer. Dans le secteur de Rozelieures, les Allemands n’ayant plus de munitions et ne ramassant plus leurs blessés entamèrent un repli, talonné par les chasseurs français. Quand il pénétra dans Rozelieures, le 2e bataillon de chasseurs français découvrit un gigantesque charnier.

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Le canon de 75 (Musée des Armée à Paris)

Le général de Castelnau lança alors son infanterie sur les Allemands qui tentaient de se replier à l’abri derrière les fleuves. Précédés d’un déluge d’obus, les fantassins des 15e et 16e corps français descendirent des collines poussant les Bavarois du IIe corps à se replier en panique. Les autres unités de la VIe armée allemande furent également très affectées. Au nord de la Meurthe, le IIIe corps bavarois se sacrifia pour essayer d’empêcher le 20e corps d'armée du général Foch d’approcher de la route Château-Salins - Lunéville, axe vital de ravitaillement des deux armées allemandes. Le soir, les Bavarois se replièrent sur leur base de départ laissant les Français réoccuper, dès le lendemain matin, le terrain.

Durant les journées du 26 et du 27 aout 1914, seul le 20e corps français réussit à gagner du terrain sur les Bavarois, reprenant la ferme de la Faisanderie, les villages de Friscati, Deuxville, Maixe, Drouville et enfin le bois de Crévic. Quant aux divisions de réserve du général Léon Durand, elles réussirent à chasser hors de Champenoux les Bavarois qui y avaient résisté la veille. L’heure n’était plus à une offensive stratégique sur le front lorrain. Les généraux Dubail et de Castelnau avaient reçu l’instruction générale n° 2 que le général Joffre avait signée dans la nuit. Elle assigna à ces deux armées la mission de maintenir l’ennemi en face d’elles pendant que les autres unités françaises, à l'ouest, entamaient leur retraite. La gauche de la 2e armée française prolongea néanmoins l’offensive contre le flanc droit de l’ennemi. Le jeudi 27, les derniers Bavarois quittèrent définitivement Gerbéviller mettant ainsi un terme à la bataille de la trouée de Charmes.

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Le monument des batailles de Lorraine

À la suite de l'échec pour percer dans la Trouée de Charmes, le général Von Moltke, chef du Grand État-Major général de l'armée allemande, ordonna, le 28 aout 1914, au Kronprinz Rupprecht von Bayern d'attaquer entre Nancy et les Vosges. Jugeant cet ordre utopique, le Kronprinz Rupprecht décida de s'emparer de Nancy. Les combats débutèrent le 4 septembre 1914 à 13 heures. Les Allemands portèrent leur effort principal au sud de Lunéville en diversion pour empêcher les quatre corps d’armée français de cette zone d’intervenir dans la bataille pour Nancy qui était l'objectif principal. Les Allemands franchirent la Meurthe à Rehainvilliers et attaquèrent le 16e corps français qui fléchit. D’autres unités allemandes débouchèrent entre Baccarat et Saint-Dié en refoulant les trois corps de la 1re armée. Devant Nancy, l’artillerie allemande se déchaîna sur toute la ligne du plateau du Rambêtant et de petits groupes de fantassins tentèrent des assauts. Plusieurs positions avancées furent progressivement abandonnées par les Français.

Durant la nuit du 4 au 5 septembre 1914, les Allemands attaquèrent l’ensemble du dispositif de la 2e armée de Castelnau devant Nancy avec un intense pilonnage d'artillerie. L’infanterie allemande s’engagea en masse contre les lignes françaises qui finirent par céder. Les Allemands ne furent bientôt plus qu'à quelques centaines de mètres de portée de canons de Nancy. Le 5 septembre 1914, l’attaque se poursuivit dans la matinée et les bombardements furent d’une violence extrême. En fin de matinée, ils s’étendaient sur l’ensemble des positions françaises, du Grand-Couronné jusqu’au sud de la Mortagne. La ligne principale française résistait, mais toutes les positions avancées étaient tombées. Côté allemand, la situation n’était pas jugée favorable, notamment en raison des pertes très importantes que ces mouvements offensifs venaient d’occasionner.

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Le monument aux défenseurs de Lunéville à la nécropole de Friscati

Le 6 septembre 1914 se montra plus favorable pour les Français. La pression allemande diminua notamment dans le secteur sud où le 16e corps et la 1re armée reprirent une partie du terrain perdu. Plus aucune tentative allemande ne se produisit dans cette zone jusqu’à la fin de la bataille. Le 20e corps reprit également une partie du terrain perdu la veille, dont le village de Crévic. Des unités françaises se réinstallèrent sur la cote 316 et sur le côté ouest de Gellenoncourt. Durant toute la journée, les batteries lourdes allemandes tirèrent sur le mont Toulon, le mont Saint-Jean, le plateau de la Rochette et surtout le grand mont d’Amance, où se trouvait l'artillerie française, qui reçut, en huit heures, plus de 3000 obus de gros calibre.

L'attaque allemande du 7 septembre 1914 fut mal coordonnée. À l'aube, seuls les Bavarois du IIIe corps reprirent l'assaut le long de la route entre Château-Salins et Nancy. Au nord, Xon et la butte de Mousson furent pilonnés par l'artillerie allemande. Les troupes françaises, paniquées, évacuèrent alors Pont-à-Mousson sans combattre. Ailleurs, les unités n'étaient pas prêtes, l’état-major de Rupprecht ne leur ayant pas fixé des secteurs d’attaque. Ce jour, la 68e division de réserve française, installée dans la forêt de Champenoux, absorba le choc principal en étant soumis au bombardement de huit batteries d’artillerie lourde. En milieu de matinée, la 68e division donnant des signes de faiblesse, le général de Castelnau puisa dans les unités voisines pour la renforcer. Mais l’offensive allemande face à la 68e division se calma en début d’après-midi, la forêt de Champenoux formant un obstacle de premier ordre qui épuisa littéralement l'infanterie allemande. Le gros de l'offensive allemande ne se déclencha qu’à partir de 17 h et se concentra dans le secteur du 20e corps où elle fut progressivement enrayée. Le général de Castelnau mit alors sur pied une force permanente de contre-attaque qu’il engagea aux points faibles. Cette force fut prête à l’action vers 17 h, au moment même où l’infanterie bavaroise lança son attaque sur le front tenu par le 20e corps. Cet assaut marqua l’ultime effort des Allemands pour tenter d’enlever Nancy.

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Le 8 septembre 1914, le contexte général changea lorsque les Allemands commencèrent à réaliser qu’ils allaient perdre la bataille de la Marne. Le général Von Moltke demanda au Kronprinz Rupprecht de libérer immédiatement un corps d’armée pour renforcer le dispositif sur la Marne et lui annonça que les huit trains chargés d’obus de gros calibre qu’il attendait avaient été détournés. L'ordre fut donné de se replier jusqu’à la ligne de défense fortifiée de Metz-Sarrebourg. Le Kronprinz Rupprecht obtint l’annulation de cet ordre de la part du général Von Moltke pour pouvoir se replier à son rythme et de manière limitée. Cela entraina une forte diminution des tirs de l’artillerie lourde et par un repli de l’infanterie qui commença dans le secteur de la VIIe armée allemande. Face à Nancy, l’infanterie et l’artillerie de campagne de la VIe armée bavaroise continuèrent les combats le temps de transférer l’artillerie lourde. La pluie qui tomba à partir du 9 septembre 1914 empêcha l’aviation française, clouée au sol, de déceler les manœuvres allemandes. Pour masquer sa retraite, le Kronprinz Rupprecht mit en batterie des canons autrichiens de 130 à longue portée du côté de Réméréville. Soixante-sept obus atteignirent durant la nuit le centre-ville de Nancy tuant huit personnes. Suite à ce bombardement, le général de Castelnau décida une offensive pour faire reculer les Allemands et mettre Nancy hors de portée de tir. Cette offensive, prévue au matin du 10 septembre, prit du retard. Le 11 au matin, la ligne de front était pratiquement vide, les Allemands s'étant profondément repliés pendant la nuit en laissant derrière eux un paysage dévasté par les obus de 105, 120 et 150. Pont-à-Mousson et Lunéville furent reprises sans combats le 13 septembre 1914.

La bataille de la Trouée de Charmes opposa les 350 000 Français de la 2e armée du général de Castelnau et de la 1re armée du général Dubail aux 350 000 Allemands de la VIe armée du Kronprinz Rupprecht von Bayern et de la VIIe armée du général Von Heeringen. Cette bataille fut sans doute pour l'armée allemande l'épisode le plus sanglant du mois d'aout 1914 sur l'ensemble des théâtres d'opérations. Entre le 20 aout et le 12 septembre, elle déclara 127 496 pertes (malades, blessés, morts et disparus), dont 38 875 tués. Concernant les pertes françaises, elles ne sont pas connues avec précision. Dans son journal, le lieutenant-colonel Jacquant cite le chiffre de 60 000 hommes hors de combat (dont 18 000 tués environ), mais il ne parle que des opérations de Lorraine de la 2e armée française sachant que les batailles de Morhange et du Grand Couronné ont été les plus meurtrières pour les Français.

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La nécropole de Friscati

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La nécropole de Friscati

La bataille du Grand Couronné opposa 475 000 Français de la 2e armée du général de Castelnau et de la 1re armée du général Dubail aux 550 000 Allemands de la VIe armée du Kronprinz Rupprecht von Bayern et de la VIIe armée du général Von Heeringen. Les Allemands alignèrent également 700 canons lourds devant Nancy.

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Chapelle de la Vierge au Mouton Noir

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La nécropole de Friscati

Le Léomont fut occupé par les Allemands le 23 aout 1914. Jusqu'au 12 septembre 1914, les combats pour la possession de cette hauteur furent terribles. Durant la nuit du 25 au 26 aout 1914, le sommet changea huit fois de mains. Les Français du 26e régiment d'infanterie se battirent au corps à corps avec les Allemands du 11e Corps bavarois pour la maitrise des lieux. Les combats au corps à corps dans ces lieux font partie des légendes de la 1re Guerre mondiale, car la colline du Léomont fut constamment balayée par l'artillerie qui rendit les lieux intenables pour les pauvres soldats de l'infanterie. Les vagues d'assaut furent balayées par les pluies d'obus bien avant d'avoir atteint les lignes adverses. Dans ces combats, les soldats français de la 11e division d'infanterie, dite la "division de fer", constitué du 26e régiment d'infanterie (RI), du 37e RI, du 69e RI, du 79e RI, du 8e régiment d'artillerie et du 20e sapeurs s'illustrèrent particulièrement. Les Allemands abandonnèrent les lieux le 12 septembre 1914. Les Français laissèrent 3751 morts sur le terrain.

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Signalisation de tombes provisoire à Léomont

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Signalisation d'une tombe provisoire près de la nécropole de Friscati

Transcription partielle du Journal de marches et opérations du 69e RI ayant combattu au Léomont.

24 août 1914.

À 14 h 45, la division se tient prête à attaquer si l’ordre lui en est donné et à porter un détachement sur les fermes Xarth et de Portieux pour prendre possession du saillant nord de la forêt de Vitrimont en vue d’appuyer l’attaque du détachement général Ferry de Dombasle sur Flavas. Les secteurs de surveillance sont édifiés en raison du rappel pris du général de Brigade du 2e bataillon du 69e RI comme troupes disponibles. Par la suite, le 2e bataillon étend sa surveillance sur la gauche jusqu’à la petite Rosière. À 18 h 20, une section de projecteurs est mise à la disposition du commandant du bataillon en cas d’attaque de l’ennemi.

25 août 1914.

La 11e division prend l’offensive et marche en direction Anthelupt – Signal de Friscati. À 7 h 30, le 3e bataillon doit se porter immédiatement au Pont de Rosières, prêt à franchir la Meurthe à gué ou sur le pont rétabli par le Génie. Les 2 autres bataillons s’arrêtent à la lisière nord de Rosières-aux-Salines. À 13 h, le régiment se porte en entier sur les pentes ouest tout près de Xarth où il attend l’ordre d’attaquer. Cet ordre y arrive et prescrit à la division d’attaquer le front Léomont-Deuxville-Friscati. La 21e brigade ayant à sa gauche la 22e attaque le front Anthelupt - côte275 (sud d’Anthelupt), le 26e RI en 1re ligne, le 69e RI en seconde ligne. Le 1er bataillon reste à la disposition du général de brigade à la ferme de Portieux. Les 7e et 8e compagnies sont chargées de garder les flancs lors de l’attaque du 26e RI et ultérieurement celle du Vitrimont en s’opposant à toute attaque venant de la forêt. Le 3e bataillon et les deux compagnies restantes du 2e bataillon, sous les ordres du colonel, suivront l’attaque du 26e RI. L’attaque du 26e RI progresse malgré le feu violent de l’adversaire, mais il ne peut avec peine arriver sur les pentes ouest du mouvement de terrain côte 275. Le colonel laisse le 3e bataillon à l’attaque par la lisière nord de la forêt de Vitrimont dans le but de se soustraire au tir de l’artillerie ennemie qui paraît être réglée sur les pentes du 275. À 19 h, le régiment progresse et occupe la côte 275. Le colonel apprend alors que le général de la 21e brigade et le colonel du 26e RI sont blessés. Il laisse le commandement du régiment au lieutenant-colonel Bernard après avoir prescrit l’arrêt du combat en raison de la nuit. Le régiment se replie en bon ordre. Le 1er bataillon occupe Xarth, le 2e bataillon la ferme du Bois de Xarth et le 3e bataillon la ferme du Portieux. Le colonel et l’État-Major du régiment s’installent à la station saline de Rosières.

26 août 1914.

Le régiment doit se trouver à 3 h 30 vers le chemin des Oeufs-Durs à Blainville-la-Grande, de manière à être en situation de déboucher sur Vitrimont et sur les hauteurs sud-est de cette localité. À 02 h 15, le régiment est rassemblé derrière la lisière ouest de la forêt de Vitrimont, la gauche près de la corne nord-ouest dans l’ordre 2, 3, 1. À 03 h 45, en exécution des ordres reçus, le régiment se porte à la côte 275 pour couvrir la droite de la division et se tenir prêt avec son gros à poursuivre l’attaque des éléments du 26e RI qui occupe Vitrimont. À 08 h 20, ordre est donné au 69e RI de se porter sur Frescati et Deuxville. Il a, à sa droite, un bataillon du 15e C.A. qui est dans la forêt de Vitrimont en marche sur Lunéville et, à sa gauche, le 79e RI sur le mamelon ouest de Deuxville. Le 26e RI doit soutenir le mouvement en avant du 69e RI et 79e RI. Le 3e bataillon passant entre Vitrimont et Léomont doit se porter sur Friscati et s’y organiser. Les 2 autres bataillons suivront le mouvement de façon à être prêts à déboucher sur Deuxville entre Léomont et Friscati. L’attaque ne commencera que sur ordre du commandant de Brigade. À 12 h, ordre est donné au 3e bataillon de commencer cette attaque qui doit être préparée par un groupe d’artillerie du 11e. Le bataillon préalablement rassemblé vers la maison forestière gagne Vitrimont en utilisant le terrain. Formation colonne de bataillon en ligne de ½ section à 50 pas d’intervalle ordre de marche 9, 12, 11, 10. Pendant cette marche, l’artillerie prépare l’attaque en tirant sur Friscati. L’ennemi ne se révèle pas et les premiers éléments du 3e bataillon arrivent à la lisière est de Vitrimont puis au petit Léomont sans incident. La 9e compagnie (capitaine Navel) gravit les pentes ouest de Friscati déployée en tirailleurs pendant que la 12e compagnie (capitaine Gleizes) occupe les hauteurs ouest de Friscati prêt à appuyer la 9e compagnie où à la recueillir. À ce moment, quelques coups de feu partent des hauteurs du Signal de Friscati. La 9e compagnie continue sa marche puis s’arrête, devant l’intensité du feu de l’ennemi. La 12e compagnie reçoit l’ordre de se porter à droite de la 9e compagnie et de prendre pour objectif les pentes sud de Friscati. Elle est remplacée par la 11e compagnie sur les hauteurs à l’ouest. La 8e section de mitrailleuses s’installe sur le chemin Léomont – Lunéville et appuie l’attaque du Signal de Friscati. La 12e compagnie gagne rapidement les terrains d’avant, mais après avoir fait 5 ou 600 m elle est accueillie par un feu violent d’infanterie établi dans les tranchées avec des mitrailleuses. Le capitaine Gleizes se porte en avant à la baïonnette, mais il tombe mortellement frappé d’une balle avec un grand nombre d’hommes de sa compagnie. Il en est de même pour le lieutenant Catala. Néanmoins, la 12e compagnie reste sur les positions qu’elle avait conquises. Pendant ce temps la 11e compagnie s’était portée à gauche de la 9e compagnie remplacée par la 10e compagnie sur les hauteurs ouest de Friscati. Le Signal de Friscati était donc attaqué par 3 compagnies gravissant les pentes de Friscati, mais au moment où elles abordent la crête du Signal de Friscati, elles sont accueillies à courte distance par un feu des plus violents d’infanterie des mitrailleuses et même d’artillerie dont les shrapnels viennent raser les crêtes. Tout le monde se cramponne au terrain pendant que la 10e compagnie, se portant rapidement an avant, cherche à appuyer le mouvement de la 12e compagnie par le sud. Le chef de bataillon qui était resté jusqu’à ce moment avec la section de mitrailleuses se porte en avant avec le dernier élément de la 10e compagnie. En présence de la résistance de l’ennemi, l’ordre est donné aux bataillons de suspendre momentanément son attaque afin de permettre à l’artillerie de reprendre le feu sur les crêtes. Lorsque cette préparation est jugée suffisante, les sections de 1re ligne cherchent de nouveau à prendre pied sur le plateau, mais à chaque fois elles sont rejetées en arrière par un feu intense, mais restent accrochées au terrain pendant que l’artillerie arrose de shrapnels tout le terrain compris entre Friscati et les hauteurs à l‘ouest. Vers 18 h, un nouvel effort est fait pour franchir la crête, mais elle échoue encore. L’ennemi prononce à ce moment une contre-attaque sur notre gauche dans la direction de Saint-Epvre. Une section de la 9e compagnie est culbutée dans une carrière. Cette bousculade entraine la retraite de plusieurs factions des 9e et 11e compagnies jusqu’au chemin de Deuxville – Lunéville, mais elles sont arrêtées et mise en ordre par le capitaine Maitrot et la 10e compagnie puis par le commandant de Marcilly, commandant le 3e Bataillon, puis enfin par le lieutenant-colonel Bernard, commandant le régiment, qui s'était porté au-devant des fractions bousculées. Toute la ligne se porte alors en avant et reprend à peu près les positions qu’elle occupait précédemment. Jusqu’à 20 h, le 3e bataillon reste exposé à un feu des plus meurtriers et se replie à la nuit sur l’ordre qui lui est donné, laissant sur le terrain 5 officiers tués et 425 hommes de troupe tués ou blessés. Au nombre des morts sont le capitaine Gleyzes, commandant la 12e compagnie , le lieutenant Catala, le lieutenant de réserve Chrétien, le sous-lieutenant Mathieu, le lieutenant Provost et le sous-lieutenant Mailly. Le lieutenant Provost, laissé pour mort sur le champ de bataille, a été retrouvé deux jours après, grièvement blessé à la tête. Enfin le sous-lieutenant Kaufmant reçut deux blessures à la cuisse et au pied. Pendant l’attaque du 3e Bataillon, le 1er Bataillon avait occupé en repli avec 2 compagnies les hauteurs ouest de Friscati, le 2e Bataillon plus au sud était prêt à appuyer l’attaque du 3e et à engager une ou deux sections.

Au moment où la contre-attaque ennemie se poursuit sur le nord, deux compagnies du 1er bataillon ainsi que des éléments des 26e RI et 79e RI se portent en avant. La contre-attaque, prise également sous le feu de l’artillerie, est également repoussée. Le combat cesse à la nuit, le régiment prend ses dispositions pour passer la nuit. Les 2e, 3e et 6e compagnies sous les ordres du commandant Pettelat prennent les avant-postes à la ferme des 4 vents sur les pentes ouest du Signal de Friscati. Le 1er bataillon occupe la ferme de Léomont et le 3e bataillon cantonne à Vitrimont avec l’État-Major du régiment. Se sont particulièrement fait remarquer dans cette journée où le 3e bataillon a subi des pertes considérables et y a lieu de citer la belle conduite au feu des officiers, sous-officiers et soldats ci-après : Chef de bataillon de Marcilly, a fait preuve d’une grande énergie en reformant sous le feu une partie de son bataillon ébranlé par un feu violent d’artillerie, de mousqueterie et de mitrailleuses et la reconduisant jusqu’à la position conquise sur un parcours de 400 à 500 m. en terrain découvert. Capitaine Maitrot, capitaine Noël, même motif ; lieutenant Chrétien, a été tué en reformant sous le feu une partie des hommes de sa section ébranlée par un feu violent d’artillerie d’infanterie et de mitrailleuse et les reconduisant jusqu’à la position conquise sur un parcours de 400 à 500 m. en terrain découvert ; sous-lieutenant Mathieu, même motif ; capitaine Gleyzes, lieutenant Catala ont été tués en marchant à la baïonnette sur des tranchées occupées par l’ennemi ; Lieutenant Provost a progressé avec sa section sous un feu violent d’infanterie, blessé grièvement et laissé pour mort sur le champ de bataille ; Adjudant Richard a été blessé en reformant sous le feu une partie de la section ébranlée par un feu violent d’infanterie ; caporal réserviste Guerre (10e compagnie), ayant reçu deux blessures à la jambe a continué le feu et n’a cessé de tirer qu’après avoir eu le bras cassé par une balle ; soldat de 1re classe Becel, secrétaire du Chef de Corps, ayant été chargé de porter un ordre important du chef de Corps à un Chef de bataillon a rempli sa mission malgré un feu violent d’infanterie et d’artillerie ; Clairon Thiebaut a montré le plus grand courage en exécutant sous le feu de l’ennemi pour porter les ordres de son capitaine.

27 août 1914.

À 06 h le régiment reçoit l’ordre de tenir le Léomont avec un poste avancé sur le mamelon à l’ouest de la ferme Saint-Epvre et de Frescati, d’occuper Vitrimont en barrant la grande route de Lunéville, le village d’Anthelupt et les Œufs-Durs en liaison avec le 79e RI. Le 2e bataillon occupe le Léomont, au mamelon et à l’ouest du Signal de Friscati, le 3e bataillon la position des Œufs-Durs et d’Anthelupt. Dans cette journée, le régiment a à déplorer la mort du Capitaine Milet, tué dans une tranchée par un éclat d’obus et celle du lieutenant Henri, blessé mortellement dans une même circonstance.

28 août 1914.

Le 20e Corps d’Armée poursuivant ses progrès a pour mission d’enlever les hauteurs de Friscati pour assurer le débouché du 15e Corps au nord de Lunéville. La 11e division a l’ordre d’attaquer l’ennemi qui occupe le Signal de Friscati et le rejeter vers le nord. L’attaque doit être exécutée par le 26e RI en 1re ligne suivie du 69e RI en 2e ligne. Vitrimont et Léomont sont tenus par le 1er bataillon. L’attaque qui devait se déclencher à 8 h n’est exécutée qu’à midi. À 12 h, attaque du Signal de Friscati par le 26e en 1re ligne. À 14 h, le 26e RI ne peut plus progresser, le 69e RI le renforce. Le 3e bataillon partant d’environ 600 m à l'est de Vitrimont le prolonge sur sa droite en prenant comme direction la corne est du mouvement du terrain du Signal de Friscati. À 16 h ordre est donné au 2e bataillon de renforcer la ligne de feu. Le mouvement s’exécute par compagnies successivement. Le capitaine Karcher est tué au moment où il se portait en avant en tête de sa compagnie. À 18 h, par ordre du Général de Brigade, les 26e et 69e doivent préparer une attaque vigoureuse pour s’emparer avant la nuit des hauteurs du Signal de Friscati. Cette attaque doit être exécutée par les 3e et 2e bataillons. À 20 h, en raison des événements survenus à la droite du 20e Corps, l’attaque, qui devait être exécutée par la 11e division, n’a pas lieu. Les ordres pour la nuit pour le stationnement du 28 au 29 prescrivent l’occupation du Léomont par le 1er bataillon et de la partie ouest du Signal de Friscati (3e bataillon) et du village de Vitrimont (2e bataillon et CHR). Les unités de Friscati doivent fortifier immédiatement la position.

29 août 1914.

À la suite du combat du 28 août, la 11e division est restée maîtresse de la ligne la Faisanderie – Vitrimont – Léomont avec avancées au Signal de Frescati en liaison à droite avec le 15e C.A. à Xerbévillers, à gauche avec la 39e division qui tient Maixe. Le 3e bataillon garde sa mission d’occuper le Signal de Frescati, le 1er bataillon de garder le Léomont, le 2e étant en réserve à Vitrimont. À 09 h, le 2e bataillon reçoit l’ordre de se rendre aux Œufs-Durs et d’organiser défensivement ce point d’appui. À 09 h 15, les 900 réservistes envoyés de Troyes et arrivés à Anthelupt le 27 août sont réunis aux compagnies.

30 août 1914.

Toute la journée, l’ennemi dirige sur les retranchements et les lieux habités un feu violent d’artillerie, principalement de 11 h à 13 h et de 17 h à 18 h 30.

31 août 1914.

À 10 h 30 recommence sur le village de Vitrimont le bombardement des jours précédents qui ne cause d’ailleurs aucune victime. Le feu ennemi se ralentit vers 11 h.

1er septembre 1914.

La 11e Division doit se tenir prête à attaquer sur le front - ferme de Metion (Mahon) – ferme La Rochelle – ferme Remonville. À 4 h, l’occupation des terrains conquis est assurée à la Faisanderie par un bataillon du 43e Colonial ainsi qu’à Vitrimont. Le Signal de Friscati reste occupé par le 2e bataillon du 69e RI. À 3 h 30, le régiment doit se rassembler dans le ravin qui va au nord de Vitrimont – Deuxville derrière le 26e RI face à la crête Saint-Epvre côte 290. À 4 h 30, il reçoit l’ordre de s’emparer de la ferme Saint-Epvre et les hauteurs au nord. Il est appuyé à droite par le 1er bataillon qui suit les pentes nord des hauteurs de Frescati. Le 2e bataillon conserve ses positions de la veille et occupe le Signal de Friscati et les hauteurs à l’ouest. Le 26e RI suit le 69e RI en 2e ligne. L’attaque de la ferme Saint-Epvre est préparée par un groupe d’artillerie. L’ennemi n’oppose tout d’abord qu’une faible résistance, le 3e bataillon s’empare de la ferme Saint-Epvre, mais au moment où il prend possession de la lisière est de la ferme, il tombe sous un feu violent d’infanterie de mitrailleuses et d’artillerie. Il subit pendant quelques instants des pertes sérieuses et ne peut déboucher de la ferme, mais s’y maintient. Il s’empare également de la crête 290 et s’y installe. Le 1er bataillon qui a pu dépasser un peu la ferme Saint-Epvre est accueilli également par un feu violent qui le force à s’arrêter. Toute tentative pour franchir la crête Saint-Epvre et côte 290 est repoussée. Les 1er et 3e bataillons s’organisent défensivement sur cette crête et se retirent vers Deuxville avec le 79e RI et soutenu en arrière par le 26e RI qui organise également des positions de repli. Cette situation est maintenue jusqu’au soir malgré un feu d’artillerie des plus violents d’une façon presque constante par l’ennemi. À la nuit tombante, le 69e RI, très éprouvé, est relevé sur ses positions par le 26e RI et cantonne à Vitrimont – Léomont – Anthelupt. Le commandant de Marcilly prend le commandement du régiment. Dans cette journée où le régiment a subi des pertes considérables, il y a lieu de citer : le lieutenant-colonel Bernard, qui n’a cessé de diriger avec une grande énergie jusqu’au moment où il fut atteint à l’œil droit d’un éclat d’obus ; le sous-lieutenant Alamelle, a conduit sa section sous le feu simultané de l’infanterie et de l’artillerie avec le plus grand sang-froid pendant le combat du 26 devant Friscati. A par ses qualités de sang froid et de calme sous le feu maintenu sa troupe dans le meilleur état moral et par l’efficacité de son tir aidé au mouvement d’un bataillon voisin. Sergent Gorge, faisant fonction de sergent major, a aidé puissamment son chef de section en maintenant sous le feu simultané de l’artillerie et de l’infanterie la ½ section qu’il commandait dans le meilleur état moral par son sang-froid et son attitude. À donné l’exemple à ses hommes pour se retrancher en creusant lui-même son abri avec une cuiller. Sergent Bernard. Déjà l’objet d’une proposition de citation au combat au 20e C.A. a montré à nouveau ses qualités de bravoure et de sang froid dans le commandement de sa ½ section. A aidé puissamment son chef de section sans l’exécution des feux de la section par la bonne observation qu’il fit des coups et les indications précieuses données sur les objectifs. Caporal Chaprin, soldats de 2e classe Auger et Brisset : dans la nuit du 27 au 28, le colonel ayant demandé des volontaires pour une reconnaissance délicate sur les pentes de Friscati se sont présentés et ont accompli leur mission avec tact et bravoure. Maréchal, élève caporal : 1° s’est présenté comme volontaire quant dans la nuit du 27 au 28 le lieutenant-colonel ayant demandé des volontaires pour une reconnaissance délicate sur les pentes de Friscati, a accompli sa mission avec tact et bravoure ; 2° a servi de porteur d’ordre au capitaine faisant fonction de chef de bataillon avec la plus grande bravoure sous le feu de l’artillerie. Sergent Lamach. A conduit brillamment sa section au combat sous le feu le plus violent d’infanterie et d’artillerie. Est resté en observation des mouvements de l’ennemi avec quelques hommes qui furent tués pendant que la compagnie se retranchait. À l’ordre de repli a rallié ses hommes et rejoint son commandant de compagnie au point fixé avec la plus grande bravoure. Bernard, sergent. A été grièvement blessé au combat du 1er septembre 1914 en conduisant au feu sa section sous un feu des plus violents. À conservé malgré cela son commandement jusqu’à l’épuisement de ses forces.

2 septembre 1914.

La division doit se maintenir sur les positions qu’elle a conquises le 1er septembre. La 21e brigade tient le Signal de Friscati – la ferme des 4 vents - la ferme Saint-Epvre – côte290. Le régiment en entier est renvoyé avant le jour en arrière de la ligne de défense autour d’Anthelupt pour se reconstituer. Il arrive sur ses emplacements à 4 h 30. Le 2e détachement de renfort de réservistes qui a rejoint le régiment à Ludiviller le 30 août est réparti entre les compagnies. Le capitaine de réserve Cuny prend le commandement de la 1re compagnie, le lieutenant de réserve Daeschner est affecté à la 2e compagnie. Toute la journée, le village d’Anthelupt est soumis à un violent tir d’obusiers ennemi. À 19 h 30, le régiment reçoit l’ordre de venir cantonner à Rosières-aux-Salines pour s’y reconstituer. Les bataillons sont rassemblés pour 2 h 30 à la sortie est d’Udiviller et mis en route par le chef de Corps sur le cantonnement où il arrive à 22 h 30.

3 septembre 1914.

Le 20e C.A renforcé de la 70e division de réserve et du 2e bataillon de chasseurs est chargé d’assurer jusqu’à nouvel ordre la défense du secteur compris entre la ligne château de Sommerviller- station de Damelevières – château de Adoménil et la ligne incluse Bois de Pulnoy – Velaine – Tuilerie de Réméréville. Le 69e RI reste à Rosières à la disposition du général en chef. À 8 h 50, le commandant du 2e bataillon reçoit l’ordre de se porter à la ferme de Mitry pour 11 h 30 et de l’organiser défensivement.

4 septembre 1914.

Le régiment continue l’organisation de la position de Mitry. Les 1er et 3e bataillons sont désignés pour ce travail. À 17 h 30, les 1er et 3e bataillons restent au cantonnement de Rosières pour y passer la nuit. L’ennemi s’est porté à l’attaque dès 20 h sur tout le front du C.A.

5 septembre 1914.

À 0 h le régiment prend les armes immédiatement et le 3e bataillon se porte à la sortie nord-est de Rosières, prêt à déboucher du pont de la saline sur la rive droite de la Meurthe avec une compagnie à la passerelle de la route de la ferme de Fortieux, le 2e bataillon à la sortie sud de Rosières route de Damelevières et le 3e bataillon reste sous les armes au centre de la localité. À 2 h 35, tout en restant à la disposition du général commandant le C.A., le régiment porte 2 bataillons (2e et 3e) à la corne du bois à 1 km à l'ouest d’Udiviller. Le 1er bataillon laisse 3 compagnies près du pont nord-ouest de Rosières et une compagnie à la sortie sud. À 4 h 30, le régiment, toujours à la disposition du général en chef, doit assurer la défense de Rosières. Le 1er bataillon est chargé de la défense de la localité face au sud. Le 3e bataillon d’organiser un repli sur les hauteurs de la rive gauche de la Meurthe vers la crayère. Le 2e bataillon doit organiser les hauteurs au nord-ouest de Rosières et d’envoyer une compagnie (8e) pour la garde du pont de Rosières. À 15 h 15, d’une façon générale le 20e Corps a résisté sur tout son front à l’attaque de l’ennemi. Il a dû cependant reculer dans la région Maixe – Crévic. Il reprend l’offensive pour reconquérir la position qu’il occupait hier. Les 1er et 2e bataillons du régiment sont remis à la disposition du Général commandant la 11e division et reçoivent l’ordre de se porter d’abord à la station de Rosières puis au bois à 1000 m à l'ouest d’Udiviller. Il est à la disposition du colonel commandant la 21e brigade qui donne l’ordre d’attaquer suivant : la 21e brigade maintiendra les forces nécessaires pour assurer la possession du front 275 – les Œufs-Durs. Elle aura à sa droite le 2e bataillon de chasseurs à la lisière nord-est de la forêt de Vitrimont et à sa gauche la 22e Brigade dont l’objectif est la croupe à 1800 m à l'ouest de Deuxville. Le centre de résistance 275 sera tenu par un bataillon du 4e Colonial et celui des Œufs-Durs par un bataillon du 26e RI (Savary). L’attaque du Léomont sera faite par le 69e RI (1er et 2e bataillons) appuyée par le bataillon Penancier du 26e RI qui restera en renfort de brigade à la disposition du commandant de la brigade à 500 m à l'ouest des Œufs-Durs. Cette attaque sera couverte à droite par le 4e bataillon de chasseurs qui attaquera Vitrimont. Elle franchira la ligne 275 – les Œufs-Durs à 17 h 30. Les deux bataillons se formant en colonnes de régiment. Deux bataillons en tête, le 1er formant échelon débordant vers la droite. Les intervalles et les distances sont très grands en raison de l’artillerie dont la présence est signalée au Léomont. Les deux bataillons progressent lentement sous un feu violent d’artillerie de front et de flanc qui n’occasionne au régiment que des pertes insignifiantes. Il convient cependant de signaler le sous-lieutenant Damideau, qui bien que blessé d’une balle au pied, n’en conserve pas moins le commandement de sa section jusqu’au moment où frappé une 2e fois d’un éclat d’obus à la jambe, il se présente a son chef de bataillon qui lui prescrit de se retirer. La progression du régiment est soutenue par l’artillerie en position sur les hauteurs nord d’Udivillers et à l’ouest de la côte 275. À 19 h 30, le 2e bataillon s’est emparé des hauteurs de Léomont dont il occupe immédiatement les tranchées. L’artillerie poursuit l’ennemi de ses feux. Les deux bataillons conservent pendant la nuit leur position de combat.

6 septembre 1914

Les positions reconquises doivent être conservées et les mesures prises pour résister à toute contre-attaque. En lever du jour, le Léomont n’est plus tenu que par le 1er bataillon (commandant Ducrot), le 2e bataillon et l’État-Major du régiment viennent occuper la lisière est d'Udivillers. Le 3e bataillon (capitaine Navel) qui était resté à la crayère à la disposition du Général commandant le 20e C.A. passe sous les ordres du général, commandant la 39e Division. Dès le lever du jour, l’artillerie assomme le Léomont par un véritable bombardement qui oblige les 3e et 4e compagnies à se replier pour éviter les pertes sérieuses. À 17 h, pour permettre au 1er bataillon de réoccuper le Léomont, l’artillerie continue le pilonnage sur le Léomont. L’ennemi se replie. Le 1er bataillon reprend les positions et occupe les tranchées sur les pentes du Léomont. À 20 h, le commandant de la 21e brigade prévoit la relève des unités de premières lignes. Le 2e bataillon relève au Léomont le 1er bataillon Savary du 26e RI qui occupe les tranchées à 100 mètres à l'est des Œufs-Durs. Le chef de corps se tient aux Œufs-Durs et à droite du régiment se trouve le 4e bataillon de chasseurs à Vitrimont et à la gauche le 79e RI sur le chemin Vitrimont – Maixe.

7 septembre 1914

Même situation que le 6. À 15 h est donné l'ordre général pour le 7. L’ennemi a été repoussé sur tout le front du 20e CA avec de grosses pertes. Il semble vouloir porter son effort sur la région Champenoux – Amance et au nord. Les forces disponibles du CA sont groupées à la gauche. La mission de la 11e division reste a même. Le régiment conserve le secteur qui lui a été affecté. Le 3e bataillon rentre à Saint-Nicolas comme réserve du C.A. À 18 h a lieu une contre-attaque à laquelle ne prend part aucun élément du régiment et dans la direction de Champenoux. À 20 h le 1er bataillon relève le 2e bataillon au Léomont.

8 septembre 1914.

Même situation, même disposition, que le 7 à 2 h. La 39e division, à gauche de la 11e, doit se porter à l’attaque et refouler l’ennemi au-delà de Drouville – Courbesseaux – Réméréville. Le 4e bataillon de chasseurs à droite de la 11e division est en liaison avec la 74e division de réserve. À 20 h, le 2e bataillon relevé au Léomont, les unités du 1er bataillon qui passent en 2e ligne. À 10 h 30, un mouvement offensif de l’ennemi effectué sur le col nord-est d’Anthelupt a été arrêté par l’artillerie A 22 h, une vive fusillade s’entend du côté de Vitrimont. Les bataillons prennent les armes et garnissent les tranchées. Un feu violent d’obusiers allemands fait pleuvoir sur les pentes du Léomont une quantité de projectiles qui nous tuent 1 soldat et nous blessent 1 sergent et 9 soldats. À 23 h 30 le feu cesse.

9 septembre 1914.

Mêmes situations que le 8 à 20 h. On travaille activement à creuser des tranchées pouvant servir d’abris aux hommes en dehors des tranchées de tir. Comme tous les jours un violent feu d’artillerie (obusiers) oblige les unités à rester blotties dans les tranchées. À 20 h le 1er bataillon relève au Léomont les unités du 2e bataillon qui passent en 2e ligne.

10 septembre 1914.

Le 20e C.A se prépare à reprendre l’offensive, il continue à assurer la permanence du front qu’il occupe. La 11e division doit tenir ferme sur les positions actuelles. À 13 h 30, l’ennemi (1 compagnie) qui occupe Frescati et la ferme des Quatre Vents se porte sur le Léomont. Le 1er bataillon occupe immédiatement les abris de combat et repousse l’adversaire qui se replie sur Friscati. À 15 h, une reconnaissance sous le commandement du capitaine Bolle s’est dirigée du Léomont sur la ferme des 4 Vents. Elle fut accueillie par des feux de l’ennemi établi dans des tranchées à l’est de la ferme et sur les pentes ouest du mouvement de terrain au Signal de Frescati. La mission terminée la reconnaissance rentrait à 17 h en ayant eu un sergent et 3 hommes blessés. À 20 h, le 2e bataillon relève au Léomont le 1er bataillon.

11 septembre 1914.

À 1 h 45, le 20e C.A. reprend ses attaques en vue d’atteindre les hauteurs de Erbéviller – Hoëville et de progresser vers Serres. La 11e division assure la défense de sa ligne principale et pousse des éléments dans la direction de l’ennemi pour appuyer le mouvement en avant de la 78e brigade sur sa gauche. L’artillerie appuie le mouvement en avant. À 5 h, le 2e bataillon appuyé par l’artillerie d’Hudivillers fait front à la ferme des 4 Vents. Ce peloton (3e cie) commandé par le lieutenant Paquelier rentre à 10 h, ayant essuyé le feu des Allemands retranchés sur les pentes ouest du mouvement de terrain au Signal de Frescati. Pendant toute la journée, l’artillerie allemande exécute un feu lent sur tous les positions et emplacements de batterie. À 20 h, afin de réduire au minimum le service imposé à la brigade, il est crée deux secteurs, le secteur nord et le secteur sud. Le secteur nord qui comprend 2 bataillons du 69e RI et 1 bataillon du 26e RI est placé sous les ordres du commandant du 69e RI. La relève aura lieu tous les jours, aux Oeufs-Durs à 19 h et au Léomont à 20 h.

12 septembre 1914.

L’ennemi semble avoir retiré des forces devant le front du 20e Corps. La 11e division conserve sa mission. Le Régiment continue à occuper les positions au Léomont et des Oeufs-Durs. Des reconnaissances envoyées à 6 h et à 13 h 30 signalent l’abandon par l’ennemi du Signal de Friscati. Le 3e bataillon du régiment reste toujours détaché à la 39e division. Par lettre du 11 septembre, le Général de Division fait connaître qu’il ne peut être donné satisfaction aux demandes d’hommes de remplacement, tous les hommes du dépôt susceptibles de porter les armes ayant été incorporés dans un régiment de marche et dirigés sur le front de la nouvelle arme. Le Général commandant la 11e Division, par note de service en date du 11 septembre, félicite la 6e batterie du 8e régiment pour les résultats qu’elle a obtenus sur une batterie allemande le 10 septembre à 15 h 30. Ce résultat est dû à la coopération étroite de l’infanterie et de l’artillerie et au sergent Biscarros de la section téléphonique du régiment qui a parfaitement installé la liaison entre les différentes batteries du groupe et le bataillon du groupe qui permet ainsi de régler dans les meilleures conditions le tir de la batterie. Ont été cités à l'ordre du Général de la 2e armée n° 79 : Le commandant Segond qui, ayant reçu l’ordre d’appuyer une attaque avec 2 compagnies de son bataillon, a été atteint d’une blessure très grave au moment où il entrainait ses hommes par son sang-froid et son intrépidité. L’adjudant-chef Dété du 69e d’infanterie qui a entrainé sa section en avant malgré un feu des plus violents puis voyant tous ses hommes blessés autour de lui, prit le fusil de l’un d’eux et pendant que sa section se repliait par ordre supérieur tira sur l’ennemi jusqu’au moment où il fut tué par un obus. L’adjudant Levrau, du 69e d’infanterie qui, blessé d’une balle au ventre en commandant sa section sous un feu des plus violents, s’est relevé à plusieurs reprises pour passer le commandement au plus ancien sous-officier et encourager ses soldats et a reçu une nouvelle blessure très grave. Le sergent Pressler qui ayant pris le commandement d’une section de la 5e Cie dont le chef était tué puis le commandement d’une section de la 7e dont le chef était blessé et parvenu grâce à son courage et à son sang-froid, a ramené en bon ordre ses deux fractions a une position de repli malgré un feu des plus violents, quoique blessé à la jambe a conservé son commandement pendant plusieurs heures. À 15 h, l’ennemie se replie sur tout le front. La 11e Division occupe dans la soirée des cantonnements lui permettant de se reposer. Le régiment quitte le Léomont, les Œufs-Durs et Udivillers à 6 h pour venir cantonner à Rosières-aux-Salines et il arrive à 8 h.

13 septembre 1914.

L’ennemi complètement battu est en pleine déroute sur tout le front de la IIe Armée. Le 20e Corps a reçu l’ordre de se porter dans une autre région pour y participer à la poursuite des armées ennemies qui se replient. Le régiment s’embarque à Varangéville pour une destination inconnue. Le 3e bataillon à 7 h 30, 1er bataillon et État-Major du régiment à 11 h, le 2e bataillon à 15 h. Les instructions pour la destination définitive seront données en cours de route. Le train de combat seul est embarqué, le train régimentaire doit rejoindre par voie de terre. En raison du retard dans l’organisation du train, le régiment ne peut partir aux heures indiquées.

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Le Léomont

Sur le Léomont fut érigé un monument commémoratif. Cette œuvre du sculpteur lorrain et ancien combattant, Gaston Broquet, fut inaugurée en présence du maréchal Foch le 18 juin 1922. La statue d'un combattant français dans une attitude de conquérant, haute de 3 m, est installée sur un piédestal construit avec des moellons provenant de la ferme détruite par les tirs d'artillerie. Le monument, dynamité par les nazis en 1940, fut reconstruit par le sculpteur Sauveur Sinapi en 1950.

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Le monument du Léomont

Au lieu-dit Mouton Noir se trouve la nécropole de Friscati. Il s'agit de la plus grande nécropole de la bataille du Grand Couronné. Elle offre le dernier repos à 3713 soldats, 2026 reposent dans des tombes individuelles et 1683 (non identifiés) reposent dans trois ossuaires. Cette nécropole est établie sur les lieux d'un cimetière provisoire constitué après la bataille à côté de la ferme du Mouton Noir au pied du Léomont. Ce terrain privé fut acheté en mai 1916 par mademoiselle Marie-Marguerite Wibrotte, institutrice à Lunéville. Dès septembre 1914, elle réalisa le relevé des tombes sur le terrain aidé dans sa tâche par quelques enfants de sa classe. Elle procéda personnellement à de nombreuses réinhumations de soldats dans ce cimetière. Elle fit ériger dans la ferme une chapelle du Souvenir pour offrir un lieu de recueillement aux familles des soldats.

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Le monument aux défenseurs de Lunéville

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Fosse commune à la nécropole de Friscati

Entre 1919 et 1924, le cimetière fut réaménagé en nécropole nationale. Y furent alors regroupés les soldats inhumés dans les cimetières de Lunéville, de Vitrimont, de Réhainviller et des environs du Léomont, de Bonviller, de Xermamenil et de Marainviller. Un nouveau réaménagement fut effectué entre 1935 et 1936. En 1927 y fut érigé un monument aux défenseurs de Lunéville en forme d'Arc de Triomphe abritant la statue d'un poilu. Ce monument est une œuvre des frères Cochinaire, sculpteurs à Nancy. À proximité de ce monument se trouve également un dépôt de terre sacrée de Verdun, une stèle évoquant la ligne bleue des Vosges et le mausolée du maréchal Lyautey. Celui-ci abrita les cendres du maréchal jusqu’à leur transfert aux Invalides à Paris en 1961.

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Le monument aux défenseurs de Lunéville

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Le mausolée du maréchal Lyautey

Ces photographies ont été réalisées en décembre 2021.

 

Y ACCÉDER:

La colline du Léomont se trouve à gauche de la D400 reliant Dombasle-sur-Meurthe à Lunéville juste avant le village de Vitrimont.

La nécropole de Friscati se trouve à gauche de la D400 après le village de Vitrimont. Les deux sites sont indiqués par des panneaux routiers sur la D400.

 

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Cette page a été mise en ligne le 29 janvier 2022

Cette page a été mise à jour le 29 janvier 2022