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La perte de la Rigotte

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La Rigotte

La Rigotte, en plus d'être un fromage, est une petite rivière qui draine les eaux du plateau situé à l'est de Fayl-la-forêt. Elle prend sa source à La Rochelle et traverse les villages de Molay, Charmes-St-Valbert, Bourguignon-lès-Morey et Farincourt. Après la traversée du village de Farincourt, elle s'enfonce sous terre. Après un parcours souterrain de quelques kilomètres, où elle rejoint les eaux du Vannon, ses eaux resurgissent de terre à Fouvent-Saint-Ardoche en Haute-Saône.

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Au sud du village de Farincourt, la Rigotte traverse une petite gorge où une partie des eaux s'infiltre dans des fissures. Au bout de la gorge, l'eau restante (la plus grande partie) s'engouffre dans une petite grotte, dénommée la Zouzette, creusée dans un dépôt calcaire plus tendre que ceux environnants. Cette grotte fait partie des 70 manifestations karstiques répertoriées autour de la montagne de la Roche. En cas de forte crue, le débit de la rivière peut dépasser la capacité d'absorption de la grotte. Dans ce cas, l'eau suit la vallée pour retrouver d'autres pertes et elle peut même rejoindre directement la résurgence à Fouvent.

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L'entrée de la grotte

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L'entrée de la grotte

La grotte de la perte est une de plus grandes cavités de la Champagne-Ardenne. C'est un système complexe de galeries dont le développement mesurable atteint 425 m. L'entrée est bloquée par un embâcle de bois et de détritus sur une trentaine de mètres. Ensuite suit une galerie large, mais très basse. Cette galerie principale est croisée par de nombreuses galeries parallèles. Elle se termine par un siphon infranchissable. La résurgence à Fouvent a été plongée, mais les plongeurs n'ont pu accéder qu'à quelques dizaines de mètres de galeries. La modification des pratiques agricoles a conduit ces dernières années à un colmatage important du porche d'entrée avec de la terre, de la paille et du foin entraîné par l'eau. Malgré un dégagement du porche par la commune de Farincourt, la grotte se comble peu à peu.

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Vue de l'extérieur de la grotte (en 2006)

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Le lit de la Rigotte à sec (2006)

topo de la perte

En amont de la perte de la Rigotte, s'ouvrent sur la rive droite quatre petites grottes. En remontant la rivière vers le nord, se trouve, à 3,50 m au-dessus du niveau de l'eau, le porche de la 1re grotte. Il donne sur deux salles disposées côte à côte. La plus grande, au nord, a une longueur de 5 m. L'autre a une longueur de 3,50 m. À environ 12 m au nord se trouve la plus grande grotte du site. Elle est dénommée Cabane des Fées ou grotte aux ours. Le porche de cette grotte, située à 2,50 m au-dessus de la rivière, donne sur une salle longue de 7 m et large de 6 m. Sa voûte culmine à 3,50 m de hauteur. Un peu plus au nord s'ouvre une 3e cavité peu profonde. Ces trois grottes sont orientées vers l'est. La 4e grotte est située à une vingtaine de mètres au nord de la grotte aux ours. Elle est orientée vers le sud. Elle fut découverte en 1938 lors des fouilles réalisées dans les autres grottes. À cette époque, elle était totalement comblée. Après déblaiement, elle est constituée d'un couloir surbaissé, orienté vers le nord, de 12 m de longueur et large de 2 m.

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La grotte n°1

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La grotte n°2 ou grotte des Ours

Ces grottes ont attiré l'attention des scientifiques au début du XIXe siècle. À l'époque un amas d'os fossilisé fut découvert dans une grotte effondrée à Fouvent-le-Bas. Ces ossements ont été confiés à Cuvier qui les attribua à l'époque interglaciaire Riss/Wurm. Il fit ensuite effectuer des fouilles dans les grottes de Farincourt. Des ossements de faune d'une période plus récente (rennes, loup, renard, ours et mammouth) ont été mis à jour. En 1878, Achille Bouillerot fouilla les deux premières grottes du site. Il a mis en évidence, dans la grotte n°2, un foyer d'une vingtaine de centimètres de diamètre accompagné de quelques pièces néolithiques (poterie et une hache polie). Il vida complètement cette grotte. Dans la 1re grotte, il mit en évidence une seule couche archéologique de 15 cm d'épaisseur à 80 cm au-dessus du sol rocheux de la grotte. L'industrie lithique et osseuse qu'il découvrit lui fit dater l'occupation du site du magdalénien (17000 à 11000 av. J.-C.), du mésolithique (11000 à 8000 av. J.-C.) et du néolithique (8000 à 2500 av. J.-C.).

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La grotte n°2

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La grotte n°2

En 1938, l'abbé Mouton et R. Joffroy reprirent les fouilles de la grotte n°1 et des déblais de la grotte n°2. La grotte n°3 se montrera stérile de toutes couches archéologiques. Durant leurs travaux, ils vidèrent également la grotte n°4. Ils confirmèrent les stratigraphies établies par Bouillerot. Les deux campagnes de fouilles (1878 et 1938) ont mis à jour plus de 150 outils taillés et plusieurs centaines d'éclats en silex rubané de couleur jaune clair au noyau foncé. Parmi ces outils figurent plus de 60 burins dont les tailles varient entre 4 et 7 cm. Les grattoirs sont un peu moins nombreux, mais deux, retrouvés dans la couche archéologique in situ dans la grotte n°4, sont de grande dimension. Plus de 110 lames de section triangulaire et longue de 4 à 10 cm et des lamelles de section trapézoïdales ont été retrouvées. Deux lames à dos rabattu, assimilable à la culture châtelperronienne (37000 à 30000 av. J.-C.), ont été découvertes dans la grotte n°4. Parmi l'industrie lithique sont également à citer 17 scalènes de 18 à 22 cm de longueur. Huit d'entre eux ont été ramassés en surface au-dessus des grottes, deux l'ont été dans la grotte n°1 et sept dans la grotte n°2. L’abondance de microlithes (80 microlames et d’innombrables pointes) est une des principales caractéristiques du site. Bouillerot avait également découvert, dans la grotte n°1, deux lissoirs en os, cinq baguettes en bois de rennes polis dont une de section rectangulaire et une sagaie de 28 cm de longueur.

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La grotte n°4

La grotte n°4 avait été vidée à une date fort ancienne, mais inconnue. Les fouilles de 1938 ont cependant retrouvé, le long de la paroi, un fragment de la couche archéologique contenant des silex, des os et du charbon. Il a été établi que la couche archéologique se trouvait à 1 m sous la voûte et qu'elle avoisinait les 20 cm d'épaisseur. À 8 m de l'entrée, un foyer fut mis en évidence. La grotte livra deux fragments de poinçon en os et un fragment de canon de renne portant 4 groupes d’incisions. Une mince couche archéologique in situ fut retrouvée devant cette grotte. Une nouvelle fouille, réalisée en 1990, confirma cette couche qui occupe en réalité plus de 100 m2. Ce qui en fait du site un site majeur de la préhistoire en Champagne-Ardenne.

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La grotte n°4

Les fouilles précédentes découvrirent également de nombreux morceaux d'ocre jaune et rouge dont l'un était taillé en forme de crayon. Les objets de parure, découverts dans la grotte n°1, sont un galet plat en calcaire et une perle en jayet, tous les deux muni d'une perforation en bordure. Dans cette grotte, Bouillerot découvrit, in situ, un fragment de grès rouge poli et sculpté en forme de phallus. Sur une de ses faces est profondément gravé un long trait muni de plusieurs barbelures obliques. Dans la grotte n°4 fut mise à jour une pendeloque de forme ovoïde perforée réalisée à l'aide d'un galet en quartz.

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La salle sud de la grotte n°1

Parmi les nombreux ossements de faunes (loup, renard, lynx, hyène, ours, mammouth, bison, cheval, rennes, chamois, lièvre et marmotte), R. Joffroy et l'abbé Mouton mirent à jour, devant la grotte n°4, dans un niveau riche en silex, un humérus droit et une mandibule complète. L’humérus est celui d'un sujet féminin et la mandibule est celle d'un sujet jeune, mais l'usure des dents est très marquée. En 1938, le professeur Rivet rapprocha ces éléments de l'homme de Chancelade, contemporain de Cro-Magnon. Ces os présentent le même degré de fossilisation que les os de la faune. La présence de la pendeloque dans la grotte a fait émettre aux deux fouilleurs l’hypothèse de la présence d'une sépulture au sein de la grotte. Celle-ci aurait été saccagée lors du déblaiement ancien.

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La salle nord de la grotte n°1

Ces grottes semblent n'avoir fait l'objet que d'une seule période d'occupation. L'habitat a été daté par Bouillerot de la phase finale du magdalénien (vers 11000 av. J.-C.). L’abbé Mouton et R.Joffroy ont conclu à un gisement plus ancien aux alentours de 14000 av. J.-C. en comparant l'industrie lithique à celle découverte par Peyrony sur le site de Crabillat dans la Dordogne.

Ces photographies ont été réalisées en août 2006 et en mai 2013

 

Y ACCÉDER:

De Port-sur-Saône, prendre la N19 vers Langres. À Cintrey, prendre à gauche vers Molay. Prendre la D17 vers Charmes-St-Valbert, puis vers Farincourt. Traversez le village (tout droit) vers Fouvent-le-Haut. Après la sortie du village, puis le calvaire, prendre le chemin à gauche (panneau indicateur). Laissez la voiture au bord de la route. La perte est au bout du chemin sur la gauche (au fond du ravin).

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 13 novembre 2006

Cette page a été mise à jour le 17 février 2015