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Le camp celtique de la Bure

Le camp de la Bure est un oppidum celte qui occupe une superficie de trois hectares au sommet de la Tête du Villé. Le plateau a une forme allongée de 350 m de longueur pour une largeur maximale de 120 m. Il est situé à 583 m d'altitude. Les côtés nord, ouest et sud sont très escarpés et le côté est est séparé du reste de la crête par un étranglement d'une quarantaine de mètres de largeur. L'extrémité ouest du plateau offre une vue imprenable sur la vallée de la Meurthe, importante voie de communication depuis la préhistoire.

Le plateau fut occupé épisodiquement depuis le néolithique comme en témoignent les pointes de flèches, grattoirs et lames en silex retrouvées. Le camp a été occupé de manière permanente du 1er siècle av. J.-C. jusqu'en 352 où il fut abandonné suite aux destructions opérées par les Alamans. Le site a été découvert au XIXe siècle par les prospections de messieurs Édouard Ferry et Gaston Save. Il est réellement fouillé depuis 1965 par les membres de la Société Philomatique Vosgienne de St Dié.

le rempart
Le murus gallicus à l'est du camp

l'arriere du murus
La face interne du murus

A l'origine, le camp était uniquement défendu sur son côté est. Au niveau de l'étranglement, a été construit vers 70 / 60 av. J.-C. un mur de type Murus Gallicus. Ce mur, construit entre deux entablements rocheux, avait une longueur de 40 m et une épaisseur de 7,50 m. Un Murus Gallicus est constitué de deux murs en pierre sèche dont l'espace interne est comblé par un blocage de sable et de blocs en grès. L'ensemble est consolidé par un maillage interne réalisé par des poutres en chêne fixées par des clous en fer. Les vestiges de ce mur ont encore 3 m de hauteur. Le mur présente un coude à environ la moitié de sa longueur. Ce Murus Gallicus fut modifié vers la moitié du 1er siècle apr. J.-C. La partie coudée au nord fut remplacée par un tronçon rectiligne dans le prolongement de la partie sud. La longueur du mur fut ainsi rallongée de 10 m. Le mur interne de cette partie fut remplacé par une rampe d'accès et le sommet fut aménagé en terrasse de 3,25 m de large.

la terrasse
La terrasse du murus gallicus

la construction du murus
Reconstruction interne du murus

A la fin du IIIe siècle apr. J.-C., la défense du site fut considérablement modifiée. A l'avant du Murus Gallicus fut érigé un talus en terre et en pierre surmonté d'un mur de 1 m de large et de 3 à 4 m de hauteur. Ce talus fut doublé à l'avant d'un fossé creusé dans le socle rocheux. Ce fossé, long de 43 m, large de 3 à 5 m et de 3 m de profondeur augmentait largement la dénivellation naturelle existante à cet endroit. Au sud du rempart fut créée une poterne. Le fossé devait certainement être enjambé par un pont en bois, donnant accès aux pâturages situés sur le plateau à l'est du site. Pour la construction de ce rempart, de nombreuses stèles funéraires ont été réemployées. Une de ces stèles représente deux personnages séparés par une torche enflammée. Elle a une hauteur de 1,70 m pour un poids de 700 kg. Une autre stèle, datée de la fin du IIe siècle, est remarquable par la représentation d'un monstre mi-cheval mi-poisson . Ce cheval-poisson fait partie de la mythologie gauloise où il assure le grand voyage de l'âme dans l'autre monde. La stèle maison, d'un poids de 1000 kg, est typique des monuments funéraires de la culture des sommets vosgiens. Elle porte l'inscription en latin "Aux dieux Manes de Caranta fille de Contessos". Ces stèles, dont des moulages sont exposés sur le rempart, provenaient d'un cimetière qui n'a pas encore été localisé.

le fossé
Le fossé

stèle aux personnages
La stèle aux personnages

cheval poisson
Le cheval poisson

stèle maison
Une stèle maison

A la même période, l'ensemble du site fut entouré d'une terrasse périphérique, en réalité un mur. Cette terrasse est constituée de deux parements extérieurs en pierres sèches dont la partie interne est comblée avec un blocage de pierres et de sable. Cette terrasse avait une épaisseur de 2,25 m (trois pas gaulois) pour une hauteur de 40 à 60 cm. La terrasse était surmontée d'une palissade et de tours à intervalles réguliers. Dans cette terrasse ont été aménagées trois portes, deux au nord et une à l'ouest. Les poternes nord et ouest donnaient accès à des sources, tandis que la porte nord (la porte principale) donnait, par un chemin pavé, accès à la vallée et à la voie des Sarmates, la route de Metz à Sélestat. Cette voie menait également à la mine de fer située au pied du site. Les poternes et la porte nord étaient fortifiées et protégées par des postes de garde. Ces éléments sont encore parfaitement identifiable à la porte nord. La porte était constituée de deux vantaux comme le montrent les traces sur les pierres de seuil. Les blocs de pierre des montants montrent encore parfaitement les mortaises destinées à recevoir les poutres servant à bloquer les vantaux. Autour des portes ont été retrouvés des tas de galets qui ont été identifiés comme des réserves de projectiles. Les fouilles ont permis de déterminer qu'une bataille a eu lieu à la porte nord.

Terrasse périphérique
La terrasse périphérique sur le versant nord

La poterne nord
La poterne nord

plan poterne
Le plan de la poterne nord (d'après document affiché sur le site)

reseve de galets
Une des réserves de galets

L'habitat a été regroupé autour de trois bassins taillés dans le sol au centre du plateau. Ces excavations ont dû être réalisées afin d'extraire des dalles de grès. Elles ont ensuite servi de citernes pour le stockage de l'eau de pluie et probablement pour deux d'entre elles de bassin rituel. Le bassin des Dianes est un rectangle de 6,20 m sur 4,30 m. Il est profond de 70 cm et a une capacité de 16 m3. A l'origine, il présentait sur son pourtour deux marches permettant d'y descendre. Il fut réaménagé, à l'époque romaine, avec de gros blocs rainurés. A proximité, furent découverts un buste en bronze et une inscription dédiée aux Dianes (Dianis). Cette inscription, au pluriel, est rarissime, généralement les inscriptions retrouvées sont dédiées à Diane. Des fragments de tuiles romaines laissent supposer qu'un petit temple ou un autel couvert était situé sur le côté occidental.

bassin des Dianes
Le bassin des Dianes

Le bassin de Taranis a une forme en "L". Il est long de 4,50 m et large de 3,50 m. Sa profondeur est de 60 cm. A l'extrémité d'une des branches, deux marches permettent d'y descendre. Sur le pavage entourant ce bassin ont été retrouvés deux cavaliers à l'anguipède. Ces sculptures représentent le dieu Jupiter (Taranis) à cheval terrassant un monstre au corps d'homme et à queue de poisson ou de serpent. Ils étaient placés au sommet de colonne. Des débris de colonne et trois têtes de Taranis ont également été retrouvés dans les débris dispersés autour du bassin. Ces représentations ont été datées du IIIe siècle apr. J.-C.

bassin de Taranis
Le bassin de Taranis

Le troisième bassin dénommé le bassin rustique est disposé au bord du chemin en provenance de la mine. Il est constitué de trois excavations dont la plus importante forme un rectangle de 3 m sur 2 m avec une profondeur de 30 cm. Les traces de limonite (minerai de fer) laissent supposer que les bassins étaient utilisés comme station de lavage du minerai.

bassin rustique
Le bassin rustique

A proximité du bassin des Dianes a été retrouvé un espace pavé au milieu duquel se trouvent quatre trous de poteau de grande dimension. Ces trous délimitent un carré de trois mètres de côté. Ce carré correspond peut-être à la Cella d'un temple celte autour de laquelle déambulaient les pèlerins. Aucun élément archéologique ne permet cependant d'être affirmatif. Il peut également s'agir d'un lieu de stockage de nourriture sur pilotis.

la cella
La cella du temple

Un fond de cabane pavé a également été retrouvé lors des fouilles. Il a été daté du 1er siècle av. J.-C. Un abondant matériel de la vie quotidienne a été retrouvé. Parmi les tessons de céramique, de vaisselle et des outils ont été retrouvées des pièces rares comme une clé gauloise, un contre poids de balance, une clochette, des éclats de verre, une chevalière en argent et un tesson de coupe sur lequel figure la représentation d'un Eros tendant la main vers une grappe de raisin. Les maisons devaient avoir des murs constitués d'un soubassement en pierres sèches surmontées d'une partie en matériaux périssable comme le bois et le torchis. Les toits étaient certainement en chaumes.

roche gravée
Une des roches gravées situées sur le site

L'activité principale du site était le travail des métaux. De nombreux dépôts de scories de fer ont été retrouvés. A l'endroit dénommé "Place des Leuques", 240 kg ont été récolté, à proximité de l'atelier sidérurgique 60 kg et dans l'atelier 450 kg. L'atelier du forgeron situé à proximité du bassin rustique était pavé et comprenait cinq tables enclumes en grès. Dans cet atelier ont été retrouvées une pince et deux enclumes, dont une de 23,5 kg. Des lingots de fer et de cuivre ont également été retrouvés. Une dalle funéraire reconstituée à partir de six fragments trouvés dans le talus et d'un septième retrouvés dans la terrasse montre un forgeron avec sa femme. Sur cette stèle, dite du Maître de Forges, sont représentés les différents outils et une enclume emblématique de ce métier.

la stèle du forgeron
La stèle du Forgeron

L'activité sidérurgique a dû attirer de nombreux marchands dans ce camp. La découverte d'objets importés (bijoux, céramiques sigillées, vases en bronze) et surtout de 1269 pièces de monnaie témoigne que le camp a été un important lieu d'échange. L'étude des pièces de monnaie (346 gauloises et 923 romaines) démontre une activité importante du début au milieu du IVe siècle apr. J.-C. La population du camp estimée à une centaine de personnes en temps de paix a également pratiqué l'agriculture et l'élevage. De nombreux objets de la vie rurale ont été trouvés tels que des socs de charrue, des faucilles, fourches, clochettes, haches et herminettes, fragments de faisselles, etc... Le centre du camp a d'ailleurs servi de champ à partir du IVe siècle comme le démontre une dalle rayée par des socs de charrue. La surface de ce champ a été reconnue sur 43 ares.

Le camp a été abandonné suite à sa destruction par les Alamans en 352. Vers la même période, de nombreux sites de hauteur ont été abandonnés par les Celtes au profit de villes gallo-romaines situées en plaine. L'évolution des cultures, la difficulté de vie sur les hauteurs (climat rude et accès difficile) et la sécurité toute relative offerte par les oppida sont la raison principale de leurs abandons.

plan du camp

Ces photographies ont été réalisées en août 2007.

 

Y ACCÉDER:

De St Dié, prenez la direction de Raon l'Étape et allez au village de la Pêcherie. De là, suivez les panneaux indicateurs qui vous mèneront au col de la Crénée. Du col, un sentier balisé vous conduit en vingt minutes au camp.

vue depuis le camp
Le Grand et le Petit Jumeau vu depuis le camp de la Bure

 



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Cette page a été mise en ligne le 9 octobre 2007

Cette page a été mise à jour le 23 février 2015