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La nécropole paléochrétienne
des Courens

La colline au nord-ouest de Beaumes-de-Venise abritait, à son sommet, l'oppidum des Courens. Il occupait environ une superficie de sept hectares. Les pentes abruptes situées au nord, à l'est et au sud du site en assuraient une défense naturelle. Sur le côté ouest, où la pente est plus douce, la défense a été assurée par des murs en pierre sèche disposés perpendiculairement à l'axe longitudinal est-ouest de la colline. La largeur moyenne au sommet est d'une centaine de mètres.

L'oppidum
L'oppidum des Courens

Les trouvailles archéologiques attestent la présence d'une colonie grecque à Beaume-de-Venise dès le VIe siècle av. J.-C.. Peut-être sont-ils à l'origine de l'oppidum ? Plus probablement, l'origine de l'oppidum est-elle liée à la peuplade des celto-ligures des Memini établis dans la région à partir du IVe siècle av. J.-C. L'oppidum des Courens permettait le contrôle de la voie reliant Carpentras à Vaison en contournant les Dentelles de Montmirail par l'ouest. Le manque d'eau devait cependant interdire une occupation permanente. Les points d'eau accessible sont situés au pied de la colline. Il y aurait eu, selon la tradition orale, un puits, comblé depuis longtemps, tombant sur une salle ayant servi de réserve d'eau. Aucun silo à grains n'a d'ailleurs été retrouvé lors des fouilles. Des tessons de poteries d'origine celte ont été retrouvés sur l'ensemble du site et quelques cabanes en pierre sèche ont été mises en évidence. La population de l'oppidum à cette période a été évaluée à environ 300 personnes.

la chapelle
La chapelle St-Hilaire

L'oppidum fut abandonné après la conquête romaine. La Pax Romana favorisa l'établissement des communautés dans les plaines. Avec le déclin de Rome, la région fut soumise aux invasions barbares. En 410, les Wisigoths s'emparent d'Orange. En 471, ils pillent toute la Provence. Les implantations romaines de Beaumes-de-Venise furent réduites à néant. Les survivants se réfugièrent à l'oppidum et l'habitèrent durant les IVe et Ve siècles. La nécropole est datée de cette période. Après la conquête de la Gaule par Clovis, une période de calme s'installa jusqu'au milieu du VIe siècle. Après une première incursion durant le Ve siècle, les Burgondes réoccupent la région. Leur présence est contestée par les Lombards et les Saxons. En 575, la région est dévastée par la guerre qui s'en suivit. La population qui échappa aux massacres se réfugia de nouveau dans l'oppidum. De cette période daterait l'érection de la première chapelle de Saint-Hilaire.

chapelle
La chapelle St-Hilaire

L'occupation de l'oppidum prendra fin avec les invasions des Sarrasins. Ceux-ci s'emparent de la région en 735. Ils détruisent totalement l'oppidum et la chapelle Saint-Hilaire. La date de son origine est cependant contestée. L'abbé Allegre (Monographie de Beaumes-de-Venise 1967) situe sa construction au VIIe siècle, Hondius et Janson (bulletin archéologique de Vaucluse 1879) parlent du Xe siècle. La chapelle est officiellement attestée au XIIe siècle où elle est habitée par les moines, protégé par les Seigneurs de Durban. Le plan de la chapelle est typique de l'art préroman démontrant son ancienneté. La nef qui est orientée est/ouest, est très longue (15,75 m), mais étroite (4,75 m). Elle donne sur un transept de 9 m de largeur et de 4,25 m de longueur prolongé par une abside de 4 m de diamètre. La porte d'entrée est, comme fréquemment durant le Moyen-âge, situé sur le côté sud. Il n'en reste que des ruines en cours d'effondrement.

la chapelle
La chapelle St-Hilaire

À l'est de l'oppidum sont encore visibles les ruines d'un petit château : le Castellas. Celui-ci a été construit entre le VIIIe et le XIIe siècle. Sur le côté nord de ce château subsistent quelques ruines de murs correspondant à l'antique village de Durban. Celui-ci aurait été fondé par les habitants de l'oppidum après sa destruction par les Sarrasins. Dans un acte, daté du 24 novembre 1253, Raymond d'Agoult reconnaît détenir le fief de Durban avec son château du Comte de Toulouse. Ce document mentionne également le château et le village de Beaumes-de-Venise et de la Roque-Alric. À l'époque, le village de Durban n'existait donc plus.

Le castellas
Les ruines du Castellas

Le chateau
Le château de Durban

La nécropole retrouvée lors des campagnes de fouilles effectuées entre 1958 et 1960 est située dans la partie ouest de l'oppidum à côté de la chapelle Saint-Hilaire et entre celle-ci et le rocher du Diable. Un premier groupe de tombes a été retrouvé contre le mur de l'abside de la chapelle. Il s'agissait de cinq tombes d'enfants (de 2 à 12 ans) constituées de dalles posées sur chant autour des corps. Une seule tombe était couverte par une dalle de pierre. À 25 m plus à l'est était situé un deuxième groupe de douze tombes. Ces tombes étaient constituées de dalles posées sur chant formant un rectangle autour du corps qui reposait directement sur le sol. Chaque coffre était fermé par des dalles horizontales. Les corps étaient couchés sur le dos avec les pieds à l'est et les bras repliés sur la poitrine.

un sarcophage
Un des sarcophages de la nécropole

un sarcophage avec couvercle
Une des tombes creusées dans le sol

La partie la plus importante de la nécropole a été située entre la chapelle et le rocher du Diable. À cet endroit se trouve un mur en gros appareil. Celui-ci est haut de 2,40 m et épais de 1,80 m, dans lequel a été aménagée une cabane. À côté de cette cabane se trouve encore aujourd'hui un sarcophage long de 2,16 m, large de 0,62 m et haut de 0,50 m. En face de la cabane a été localisé un squelette très dégradé qui fut enterré dans un cercueil en bois dont cinq clous forgés ont été retrouvés. À proximité, un grand sarcophage (1,63 x 0,45 x 0,15 m) et un petit (0,49 x 0,23 m) ont été creusés dans le rocher. Une tombe d'un enfant de cinq ans et une tombe d'un adolescent, toutes les deux réalisé à l'aide de tuiles, se trouvait à l'est de la cabane. Plusieurs sarcophages en pierre sans couvercles furent également retrouvés au nord/nord-ouest des sarcophages creusé dans le rocher. Cette nécropole est établie sur un habitat gallo-romain dont les fouilles effectuées en 1961 et 1962 ont permis de retrouver des tessons de poteries datées de 1000 av. J.-C.

le mur
Un des enclos de la nécropole

le mur en gros appareil
La cabane aménagée dans le mur

Un quatrième groupe de tombes a été retrouvé au nord du troisième groupe. Les sarcophages étaient regroupés dans deux enclos construits dans la terrasse surplombant le troisième groupe de tombes. Ces enclos étaient constitués de murs en pierres brutes assemblés avec un ciment à la chaux. L'enclos ouest faisait 4,50 m sur 4 m et celui de l'est 4,50 m sur 3,20 m. Ils contenaient 22 sarcophages et 7 tombes sous tuiles empilées sur trois étages. L'étage supérieur avait été fortement endommagé par la mise en culture de la terrasse. Les autres sarcophages étaient cependant intacts et possédaient tous un couvercle plat. La cuve était rectangulaire et constituée d'une seule pièce en calcaire local. Les sarcophages inférieurs (donc les plus anciens) avaient cependant un aspect plus soigné et leurs couvercles possédaient un rebord intérieur ajusté à la cuve. Certaines cuves avaient une forme anthropomorphe et deux d'entre elles possédaient un coussin pour la tête taillée dans le fond. Les sarcophages étaient orientés ouest/est ou nord/sud, les sépultures sous tuiles étaient orientées ouest/est. Ces orientations sont usuelles des cimetières chrétiens des VIe et VIIIe siècles. Les deux enclos semblent être des caveaux regroupant les membres d'une même famille. Les murs de ces enclos ont été construits au fur et à mesure de la dépose des sarcophages. Certains sarcophages sont d'ailleurs inclus dans les murs. Les tombes en tuiles étaient toutes disposées à l'étage inférieur. L'absence de mobilier dans les tombes ne permet pas une datation précise, mais indique l'origine chrétienne des sépultures. L'église chrétienne ayant toujours combattu le dépôt d'objet dans les tombes qu'elle considérait comme un rite païen.

le sarcophage
Le sarcophage situé devant la cabane du mur

l'enclos
Le mur en gros appareil

L'usage de tombe en tuile a été situé en Provence entre les Ve et VIe siècles. Dans la nécropole des Courens, ces tombes sont disposées sous les sarcophages en pierre. Les couvercles plats de ceux-ci les situent à une période postérieure au VIe siècle. Une des tombes en tuiles contenait un squelette complet bien conservé. Il a été identifié par les archéologues comme appartenant à une grande jeune femme (de 20 à 30 ans) d'origine wisigothe vivant au Ve siècle. Son corps reposait sur une série de cinq tegulae (tuiles plates) et était recouvert de deux séries de tegulae inclinée vers l'intérieur afin de former une sépulture en forme de toit. Le joint entre ces tegulae était recouvert par six imbrices (tuiles rondes).

tombe
Une des tombes creusées dans le rocher

une autre tombe
Un autre des sarcophages creusées directement dans le sol

À l'ouest de la nécropole, surplombant Notre-Dame d'Aubune, s'accroche en position instable un gros rocher d'environ 12 m3. C'est à l'ouest de ce rocher qu'ont été extraites les pierres formant les sarcophages. La position de ce rocher a dû surprendre les hommes des temps anciens. Et comme souvent, l'inexplicable reçu une origine diabolique. Le Diable vit d'un très mauvais œil la construction de la chapelle Notre-Dame d'Aubune. Il se rendit donc au sommet de la colline et y arracha un gros bloc de rocher. Il le fit rouler vers la pente afin d'écraser l'humble édifice. Mais la Vierge veillait sur sa maison. Sortant de la chapelle, elle vint toucher le rocher avec sa quenouille. Celui-ci s'immobilisa instantanément au bord de la pente. Depuis il surplombe la chapelle menaçant de la détruire, mais immobilisée par la volonté de Marie triomphant de Satan. Le rocher du Diable porterait toujours, sur sa face supérieure, l'empreinte des griffes du Diable.

la pierre du diable
La pierre du Diable

la pierre
La pierre du Diable

Une étude attentive de la carte IGN au 25000e montre que la partie occidentale de la colline des Courens est désignée sous le vocable de "Grottes d'Ambrosi". Il s'agit de six petites cavités situées sur le versant nord de la colline. Celles-ci ont servi de carrières à meules. Cet usage remonterait à la fin de l'Empire romain. La molasse coquillière dans laquelle se sont formées ces grottes est très friable et la plupart des grottes sont actuellement effondrées. La grande friabilité de la roche est à l'origine de meules de qualité médiocre qui s'usaient très rapidement. Les grains de calcaire qui s'en détachaient se mélangeaient avec la farine. La population qui consommait cette farine en subissait les dommages. Les dents retrouvées dans les tombes de la nécropole présentaient un niveau d'usure anormal et nous pouvons formuler l'hypothèse que la population devait souffrir de graves problèmes dentaires limitant grandement l'espérance de vie.

la nécropole
L'emplacement de l'habitat gallo-romain

Ces photographies ont été réalisées en juillet 2011.

Sources consultées pour cet article :

Consulter la page "Bibliographie" de ce site
Site internet Wikipédia
"L'oppidum gallo-romain de Beaumes de Venise" Les cahiers de l'Académie par Philippe Jean et Claude Coulomb

 

Y ACCÉDER:

À Beaumes-de-Venise, rendez-vous à la chapelle Notre-Dame d'Aubune. À l'ouest de la chapelle débute un sentier botanique qui passe au sommet de la colline. Vous pouvez également emprunter la piste DFCI partant de cet endroit vers l'est. Puis emprunter le sentier balisé d'un rectangle jaune partant sur la gauche de la piste (à environ 500 m de la chapelle). Ce sentier mène par une forte montée (escalade) au Castellas. De là, il faudra prendre vers l'ouest le long des parcelles de vignes.

 



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Cette page a été mise en ligne le 10 octobre 2011

Cette page a été mise à jour le 23 février 2015