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Les fortifications de Lucca

Les remparts qui entourent le centre-ville de Lucca sont une des fortifications de plaine du XVIe siècle le mieux conservé en Europe. Les fortifications nommées "Le Mura" ont une circonférence de 4,45 km. Ils sont constitués de 11 bastions reliés entre eux par un mur haut de 15 m et largeur de 30 m. Ils n'étaient initialement percés que de trois portes. La construction de cette fortification a nécessité 150 ans soit 40 ans de plus que la Basilique St-Pierre de Rome.

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Le rempart de Lucca près du baluardo Santa Maria

La ville de Lucca fut fondée par les Romains aux alentours de 180 av. J.-C.. Ils entourèrent la ville d'un rempart dont l'emplacement et l'entendu ne sont pas bien connu. Une série de documents du XIe siècle font référence à la construction de moyen de défense, mais sans précision. Ces documents nous informent également que le marquis Bonifacio de Toscane fit détruire entre 1027 et 1050 une grande partie des fortifications de la ville en représailles à la rébellion des citoyens de Lucca à son autorité. En 1081, l'empereur du Saint-Empire Romain, Henri IV déclara Lucca, ville indépendante et cité impériale.

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le côté externe des remparts

Entre 1260 et 1265, une campagne de construction entoura la vile de fortification. Il s'agissait d'un rempart construit en pierre de taille maçonné avec des tours semi-circulaires. Le mur et les tours étaient couronnés par un parapet crénelé. L'accès à la ville se faisait au travers de quatre portes situées aux quatre points cardinaux. Les portes possédaient un pont-levis au-dessus du fossé et des barbacanes flanqués de tourelles. Ces fortifications entouraient la partie centrale de la ville actuelle et il en subsiste la "Porta San Gervasio" à l'est et la "Porta di Borgo" au nord.

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La porta San Gervasio

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La porta di Borgo

À partir du XIVe siècle, Florence entreprit la conquête militaire de la Toscane. Elle soumit progressivement les villes voisines. Pistoia en 1306, Pescia et Altopascia en 1339, Prato en 1351, Voltera en 1361, Arazzo en 1384, Montepulciano en 1390, Pise en 1406, Cortona en 1409, Certaldo en 1415, San Sepoloro et Anghiari en 1440, seules les villes de Sienne et de Lucca résistèrent à la domination de Florence gouvernée par les Médicis. Durant cette période de guerre permanente, la ville de Lucca étendit, entre 1332 et 1456, ses fortifications pour y inclure la banlieue qui s'était formée à l'est des remparts. Il s'agissait d'un mur en brique et tours de pierre sans porte d'accès. Des documents de l'époque montrent une fortification avec des tours semi-circulaires et deux tours carrés qui pourraient cependant n'être que les clochers des nombreuses églises existant dans la ville.

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Vue du baluardo San Martino

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Le baluardo San Martino

À l'issue de la guerre que se livrèrent Lucca et Florence entre 1429 et 1433, Lucca perdit le contrôle du château et du hameau fortifié de Montecarlo situé à 12 km à l'est de la ville. Lucca se trouva dorénavant sous la surveillance directe des troupes florentines. La situation changea avec la campagne militaire réalisée par le roi de France Charles VIII en 1494/1495 pour rétablir le Royaume de Naples. Bien que menée par 60 000 hommes et une centaine de pièces d'artillerie, cette campagne resta infructueuse. Elle brisa cependant la domination de Florence où les Médicis furent contraints à l'exil. Les différentes villes de Toscane furent libérées et Lucca récupéra le port de Motrone et la forteresse de Pietrasanta. Celle-ci permettait le contrôle de la route côtière reliant Gènes à Florence. La campagne prouva également l'efficacité de la nouvelle artillerie lors de la prise de la forteresse de Fivizzano au nord de Lucca. Elle fut réduite à l'état de décombres en l'espace de quelques heures. L'évolution technique permit la production de nouvelles bombardes en bronze utilisant des boulets en fer à la place de boulet en pierre. Ce qui permit la réduction du calibre et donc du poids. Les nouvelles bombardes étaient donc plus faciles à produire, moins chères et plus faciles à transporter. Elles pouvaient dorénavant suivre le rythme de l'infanterie. En même temps, elles rendirent les fortifications en pierre ou en maçonnerie seule obsolètes. Les hautes tours des fortifications ne convenaient pas à ces nouveaux canons, car l'espace trop exigu ne permettait pas le recul généré par le tir des bombardes. Après cette campagne, le Conseil des Anciens, l'Anziani, de Lucca reconnu l'obligation de moderniser les fortifications. Les villes de Trévise et de Padoue également situées en plaine et ne bénéficiant pas de protection assurée par le relief naturel firent de même en 1509 suivis de la ville de Civitavecchio en 1515.

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Le baluardo Santa Maria

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Le baluardo Santa Maria (la sortie d'infanterie)

La durée et surtout le coût de nouvelle fortification contraignirent Lucca à procéder à la modification des défenses médiévales. En 1499, l'Anziani décida de créer une zone de défense de 350 m de large en avant des remparts, un no man's land. Cette zone nommée "Tagliata" entièrement déboisé et dépourvu de construction ne devait offrir aucun abri aux assaillants. La nécessité de détruire de nombreuses maisons et plusieurs établissements religieux construit le long des routes menant aux portes San Donato (à l'ouest) et San Pietro (au sud) rendit la mesure impopulaire et retarda la mise en œuvre jusqu'en 1513. Une nouvelle invasion française dans le nord de l'Italie et l'occupation du duché de Milan en ce début de XVIe siècle compliquèrent les choses pour Lucca. Le pape Jules II (1503-1513) ne réussissant pas à fédérer les royaumes italiens pour chasser les Français, il demanda de l'aide à l'empereur du Saint-Empire germanique, Maximilien 1er (1493-1519). Celui-ci réinstalla les Médicis, qui ne cachèrent pas leurs ambitions de reprendre possession de la Toscane, à Florence. Lucca en appela alors à l'arbitrage du pape Jules II (hostile à Florence) pour la possession du port de Motrone et de la forteresse de Pietrasanta. À la mort de Jules II, aucun arbitrage n'ayant été réalisé, le nouveau pape Léon X (1513-1521), de son vrai nom Giovanni di Médici, trancha immédiatement en faveur de Florence. Cette décision confronta Lucca dans la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle fortification. Surtout que le pape Léon X se mit à intriquer pour créer un duché de Toscane pour son neveu Lorenzo en regroupant Florence, Sienne et Lucca.

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Le haut du baluardo San Martino

La Tagliata fut achevée en 1516. Fut ensuite entreprise la construction de sept tours cylindriques, les torrioni, en saillie à chaque angle de l'enceinte médiévale. Les torrioni étaient des plateformes d'artillerie de 30 à 35 m de diamètre et haute de 15 m. Ces tours étaient construites en pierre et remplies de terre battue. Après la construction, des casemates furent creusées à l'intérieur au niveau du sol. Ces casemates, construites en brique ou en pierre, étaient voutées et possédaient des embrassures permettant aux canons des tirs parallèlement aux remparts. Ces torrioni fournissaient depuis la plateforme une puissance de feu capable de neutraliser l'artillerie adverse et un tir antipersonnel depuis la plateforme et les casemates. En même temps, les murs et les tours existantes furent rabaissés à la hauteur des torrioni. L'ensemble fut complété par le creusement d'un fossé dont la terre excavée fut utilisée en remblais sur la face interne des remparts médiévaux. Le programme de construction fut achevé en 1522. Des vestiges de torrioni sont visibles au bastion (baluardo) Santa Croce.

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Baluardo San Martino

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Sortie d'infanterie du baluardo San Martino

Ce programme de fortification lança une course à l'armement avec Florence. Mais la mort de Lorenzo di Piero di Médici en 1519 suivi peu après de celle de Léon X écarta momentanément le danger présenté par l'ambition de Florence. Mais dès 1530, le pape Clément VII (1523-1534), Giuliano di Médici, réussit en partie à créer le duché de Toscane avec l'aide de l'empereur du Saint-Empire germanique Charles V (1519-1556). Charles V lors de sa visite de Lucca en 1536 se dit impressionné par les fortifications. Le duc de Toscane Cosimo 1er (1537-1574) reprit les guerres d'expansion de Florence. En 1540, la nouvelle génération d'Anziani ne se fia pas à l'empereur et à sa Pax Hispanica pour garantir la liberté de leur ville. L'empereur pouvait à tout moment subordonner Lucca au duc Cosimo. En 1543, l'Anziani considéra Lucca comme en danger et indéfendable devant l'augmentation rapide en quantité, et en qualité, de l'artillerie florentine. Ces craintes furent confirmées en 1555 lorsque Cosimo se rendit maitre de Sienne après un rapide et brutal siège.

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Vue du fossé depuis le baluardo San Martino

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Le baluardo San Martino

En 1543, l'Anziani décida une reconstruction complète des fortifications en remplaçant les torrioni, les murs médiévaux et les fossés par des bastions construits selon les nouvelles règles architecturales militaires. Malheureusement, les architectes compétents étaient rares. Ils étaient tous déjà engagés auprès des différents seigneurs en Europe. L'Anziani persuada cependant Jacopo Senghizzi de Modène, travaillant pour le duc d'Urbino, de se mettre à leurs services en 1544. En même temps, l'attention du duc Cosimo 1er fut détournée de Lucca par les raids que les forces navales turques effectuaient sur les côtes toscanes. Cosimo lança donc un programme de fortifications des ports placés sous sa domination. Il fut ensuite occupé, de 1554 jusqu'à sa mort, à la conquête de Sienne.

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A l'intérieur du baluado San Martino

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Casemate du baluardo San Martino

En 1545, Senghizzi présenta à l'Anziani le plan des fortifications tel qu'elles existent encore aujourd'hui. Dans ce plan, les torrioni étaient convertis en bastions et de nouveaux bastions étaient insérés entre eux pour réduire les distances et permettre qu'ils se protègent l'un l'autre. Ces bastions, d'une hauteur de 15 m, étaient de puissantes plateformes d'artillerie en plein air. La surélévation des canons leur conféra une portée supérieure à ceux des assaillants situés au sol. Des embrassures de tir, protégé par des travées, permettaient également des tirs croisés entre les bastions. Afin de ne pas réduire les défenses, les bastions furent construits autour des torrioni. Les murs extérieurs des bastions et des remparts furent inclinés pour que les boulets ricochent. Les remparts sont constitués d'une infrastructure en bois massif et de terre battue revêtue d'un parement en briques destinée à la protection contre l'érosion côté extérieur et en pente douce plantée d'arbres côté interne. Les remparts présentent un massif de terre de 30 m d'épaisseur impossible à transpercer par l'artillerie. Le parement, nommé La Camicia (la chemise), représente environ 6 millions de briques façonnées à la main. La largeur des remparts en fit une large plateforme continue utilisable par l'artillerie lourde. Elle comprend une route pavée faisant le tour de l'enceinte et utilisable par la cavalerie et l'artillerie légère. Les renforts pouvaient accéder en moins de sept minutes en tout point des fortifications. Les casemates des torrioni furent raccordées aux nouvelles plateformes et servaient en temps de paix comme magasins à munitions et au stockage des canons. En temps de guerre, étant considérées comme à l'épreuve des bombes, elles devaient servir de casernement. Elles furent munies de sorties cachées dans les flans des bastions permettant à l'infanterie de contre-attaquer. Ces casemates étaient également munies d'une réserve de poudre permettant la destruction du bastion en cas de prise par l'ennemi.

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Le coût élevé de ces fortifications fit que les travaux furent réalisés par petit bout. L'accès à la ville se faisait au travers de trois portes. La porte San Pietro fut construite en 1565/1566. La route d'accès passait par une rampe en pente et un pont en bois enjambant le fossé. Deux ponts-levis interrompaient l'accès. L'un se trouvait sur le fossé à l'avant du pont et l'autre précédait la porte, le pont-levis, revêtu de fer, assurant la fermeture de la porte. Un poste de garde était disposé devant le premier pont-levis. Derrière la porte se trouve une antichambre suivie d'une herse en bois flanqué de murs avec des meurtrières. Une troisième porte clôt le passage, quelques mètres après la herse. Une trentaine de fantassins étaient affectés à la défense de la porte. La deuxième porte, la porte Santa Maria fut érigée en 1592/1594 et la troisième, la porte San Donato Nuovo, entre 1628 et 1639, par l'architecte Muzio Oddi. Ces deux portes furent construites selon les mêmes plans.

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La porte San Pietro

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La porte Santa Maria

Entre 1589 et 1594, c'est l'architecte Gina Bresciani qui supervisa les travaux. Il mit les plans à jour et réalisa les bastions San Salvatore, San Donato, Santa Croce, San Martino, La Liberta, San Pietro, San Paolino et la porte Santa Maria. Une dernière campagne de construction fut réalisée entre 1648 et 1650. Le fossé fut réaménagé pour atteindre une profondeur de 2,50 m et une largeur de 50 m. En son centre fut creusé un deuxième fossé profond de 3,50 m et large de 8 m. Ce deuxième fossé était alimenté en eau depuis la rivière Serchio par un canal. La présence de ce double fossé rendait une attaque périlleuse. En hiver, la pluie fréquente (Lucca est la région la plus pluvieuse d'Italie) rendait le drainage du fossé impossible pour un assiégeant et le soleil impitoyable de l'été ne favorisait pas les sièges. Dans le fossé, des positions de tir pour l'infanterie étaient aménagées, à l'aide d'un terrassement en "V", devant chacune des trois portes, de même que devant chaque travée inter bastion.

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Casemate de baluardo San Martino

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A l'extérieur du baluardo Santa Maria

Lucca possédait sa propre fonderie pour la fabrication de canons et d'armes légères ainsi que deux usines de poudre. À l'achèvement des fortifications, celle-ci était armée de 130 canons et de 24 000 armes à feu légères. La défense était assurée par 400 hommes d'armes cantonnées dans les bastions auxquels s'ajoutait une milice de 1500 hommes. En 1524, le corps spécial formé au maniement des bombardes était constitué de 30 hommes. Ils étaient 100 en 1574 et 225 en 1609. Le Mura qui contiendra la ville jusqu'au XIXe siècle ne fut jamais attaqué sauf en 1805 où la rivière Serchio, en crue, essaya d'en miner les fondations.

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Le mur près du baluardo Santa Maria

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La chaussée au-dessus des remparts

En 1799, Lucca se rendit sans combattre à l'armée de Napoléon 1er, comme le firent la plupart des petits états de la péninsule italienne. Napoléon confia le pouvoir sur la ville à sa sœur Élisa Baciocchi. Elle fera percer une porte sur le flanc est de La Mura, la porte Élisa. Les habitants de Lucca se sont approprié de longue date les remparts et utilisaient le chemin de ronde comme lieu de promenade. Les risques de guerre s'étant éloignés, un café fut érigé sur le bastion Santa Maria en 1840. Il fut déplacé en 1885 pour aménager un emplacement à la statue d'Emanuele II réalisé par le sculpteur Augusto Passaglia. Ce fut également en 1885 qu'une nouvelle porte fut aménagée. Il s'agit de la "Porta Sant'Anna" que les habitants de Lucca dénomment "Le Trou". Une dernière porte fut percée en 1940, la "Porta San Jacopo". Les fortifications sont aujourd'hui un jardin public et un lieu de promenade très apprécié des habitants de Lucca.

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La porte Elisa

Ces photographies ont été réalisées en mars 2016.

 

Y ACCÉDER:

Il est impossible de ne pas voir La Mura en étant à Lucca. Il enserre toute la vieille ville et un boulevard périphérique en fait le tour. De nombreux parkings sont disposés tout autour.

 



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Cette page a été mise en ligne le 16 mai 2016

Cette page a été mise à jour le 16 mai 2016