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Les Mines de Potasse d'Alsace

Mes activités professionnelles m'ont permis d'accéder à un endroit inaccessible au commun des mortels, les galeries des "Mines de Potasse d'Alsace". J'ai donc eu la chance de pouvoir emprunter la cabine du puits d'extraction Joseph de Wittelsheim. Après avoir été habillé et équipé d'une lampe, d'un casque et d'un appareil respiratoire (en cas de besoin), je me suis retrouvé au terme d'une descente d'une minute et demie à 530 m sous terre.

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Galerie de la mine Joseph-Else

Le gisement du bassin potassique est constitué de deux couches de chlorure de potassium emprisonné dans une épaisse couche de sel gemme. Ce sel s'est formé à l'oligocène (35 millions d'années) où la région était régulièrement envahie par la mer. La couche supérieure a une épaisseur de 2 m et est constitué de 40 % de chlorure de potassium et de 60 % de chlorure de sodium. La deuxième couche située 20 m en dessous a une épaisseur de 5 m et contient 30 % de chlorure de potassium et de 60 % de chlorure de sodium. Ces deux couches sont inclinées du sud vers le nord et se trouvent à environ 400 m de profondeur au sud et à 1100 m de profondeur au nord.

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Galerie de la mine Joseph-Else

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Galerie de la mine Joseph-Else

La terrible sécheresse de 1893 fit comprendre à Amélie ZURCHER, propriétaire de la ferme du Lutzelhof près de Cernay, qu'elle devait trouver d'autres moyens de subsistance pour éviter la ruine. Persuadé que le sous-sol de son domaine renferme des richesses, elle convint, après 10 ans d'insistance, Joseph Vogt (industriel, propriétaire de la fonderie de Niederbruck et fabricant de tours de forage) et Jean Baptiste Grisez (brasseur et sourcier) d'effectuer un sondage. Le but était de découvrir de la houille. À l'époque, on supposait que le gisement de Ronchamp se poursuivait jusqu'en Alsace. Le premier forage fut réalisé le 11 juin 1904.

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Galerie de la mine Joseph-Else

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Galerie de la mine Joseph-Else

Alors que Joseph Vogt désespérait de découvrir quelque chose, un laboratoire strasbourgeois identifia dans la carotte le gisement de potasse. Le 13 juin 1906, les trois associés créèrent la "Gewerkschaft Amélie" avec des capitaux allemands. La société effectua 150 forages pour préciser l'étendue du gisement et fonça (creusement) le 1er puits, nommé "Amélie I", le 22 avril 1908. L'exploitation débuta en février 1910.

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Galerie "travers banc" à la mine Joseph-Else. Cette galerie traverse une couche de sel gemme moins compacte que les autres et nécessitant un boissage particulier.

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Cette partie de la mine Joseph-Else date du fonçage du puits en 1911.

La même année, Joseph Vogt, propriétaire de la concession au nord du gisement, créa, avec des associés lorrains, la "Mine de Kali Sté-Thérèse" (KST) qui fut dirigé par son fils Fernand. La société KST fonça les puits des mines Alex, Ensisheim, Rodolphe et Ungersheim. En 1911, la "Gewerkschaft Amélie" vendit ses concessions à la "Deutsche Kaliwerke" de Bernterode (Saxe) qui en revendit aussitôt une partie. Les concessions furent alors exploitées par trois sociétés. La "Deutsche Kaliwerke" exploita les mines Amélie, Max, Marie-Louise et Joseph-Else. La "Hohenzollern" exploita les mines Fernand et Anna et la "Wintershall", les mines Théodore et Eugène.

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La sortie de l'ascenseur à 530 m de fond

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La galerie à la sortie de l'ascenseur

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Détail de la couche de potasse à la mine Joseph-Else

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Galerie de la mine Joseph-Else

À la déclaration de la 1re guerre mondiale, treize puits étaient en activité. La guerre interrompit le fonçage des puits Anna est, Anna ouest, Ensisheim I et II. Toutes les concessions furent placées sous l'autorité allemande et la société KST fut confisquée. En décembre 1918, la société KST fut rétablie dans ses droits et retrouva son directeur Fernand Vogt. Le reste fut mis sous séquestre par l'armée française et administré du 17 novembre 1918 au 6 janvier 1919 par le commandant Belugou. Les mines employèrent à l'époque 3400 employés. Le 18 janvier 1919, l'administration fut confiée au capitaine Laubenheimer et au sénateur du Haut-Rhin, Paul Albert Helmer. Le capitaine fut remplacé le 24 avril 1919 par Pierre De Retz. Celui-ci devint le directeur général en 1921 et resta en poste jusqu'en 1936. Le 24 mai 1924, l'état français racheta les mines sous séquestre pour 208 millions de francs et fonda les MDPA (Mines domaniales de potasse d'Alsace).

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Un des engins de transport au fond de la mine Joseph-Else

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La machinerie de l'ascenseur du puits Joseph

Le fonçage des puits qui avaient été interrompus par la guerre fut repris et le fonçage des puits Rodolphe II, Ungersheim I et II et Ensisheim III fut réalisé. En 1924, les mines employèrent 6500 employés. Pour accompagner leur développement et attirer des ouvriers, les MDPA et KST engagèrent en 1925 un programme de construction de 4000 logements donnant ainsi naissance à 18 cités minières sur 431 hectares. Ils entamèrent également un grand programme social comprenant un service médical avec pavillons de santé, coopératives de consommation, cantines, églises et presbytères, écoles, salles de fêtes et de sport. En 1930, l'effectif avoisina les 11000 employés.

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Le puits Joseph et le bâtiment abritant la machinerie de l'ascenseur

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Le puits Rodolphe 1

En novembre 1930, la crise mondiale frappa les mines. La production ralentit et le chômage partiel fut établi. Fin 1931, la production fut réduite et les embauches et les programmes de construction de logements furent stoppés. Le 23 juillet 1940, un coup de grisou au puits Rodolphe provoqua la mort de 25 mineurs. Il s'agit de l'accident le plus meurtrier de l'histoire du bassin potassique. Peu après l'ensemble des mines fut mis sous tutelle du gauleiter nazi Wagner qui administra l'Alsace annexée. La guerre apporta son lot de destruction et le bassin potassique n'y échappa pas. À la libération, sur 4518 logements, 3134 étaient sinistrés dont 1048 étaient inhabitables. Le personnel et 1000 prisonniers de guerre furent affectés à la reconstruction. En 1946, l'extraction retrouva son niveau de 1939 soit 3,5 millions de tonnes. L'introduction de la mécanisation et le matériel Joy fourni par le plan Marshall permirent un rapide développement. En 1948, les effectifs atteignent avec 13880 employés leur maximum. De nouveaux puits furent également foncés, Bernwiller en 1962, Staffelfelden en 1972 et Schoenensteinbach en 1973.

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Le puits Rodolphe II

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Ancien bâtiment de stockage de la mine Rodolphe

Le bassin potassique totalisa en tout 24 puits allant d'une profondeur de 466 m pour Anna est à 1057 m pour Ensisheim II. Les puits avaient un diamètre allant de 4,50 m à 6,30 m. L'épuisement du gisement et les questions de rentabilité commencèrent à faire effet dans les années 1960. Le puits Alex fut, en 1954, le premier à être arrêté. Foncé en 1911, il atteignit la profondeur de 633 m. Il fut remblayé en 1984. La mine Ensisheim (foncé entre 1920 et 1932) fut arrêtée en 1961. Profonds de 1033 m, les puits furent remblayés en 1981. Les puits Joseph-Else (foncé en 1911) furent mis à l'arrêt en 1966. Le puits Fernand (foncé en 1911) fut arrêté en 1972. Ses 540 m furent comblés en 1980. Anna (foncé en 1914) fut arrêtée en 1973 et comblée en 1981 (448 m). Bollwiller (foncé en 1911) fut arrêté en 1976 et ses 666 m furent remblayés en 1984. Théodore (foncé en 1911) s'arrêta en 1986. Le puits, profond de 584 m, fut remblayé en 1990. Ungersheim (foncé en 1928) fut mis à l'arrêt en 1997 et ses 751 m comblés en 2000. Marie-Louise (foncé en 1911) s'arrêta en 1998. Les 643 m de son puits furent remblayés en 2004. Berrwiller fut remblayé en 2002. Le puits de 607 m fut foncé en 1958 et arrêté en 2001. La mine Amélie fut la dernière en activité. Les puits, foncés en 1908 à 694 m de profondeur, furent mis à l'arrêt en 2002 et remblayés en 2006. De 1910 à 2002, 567 millions de tonnes de minerai furent extraites du sous-sol alsacien. Pour cette extraction, 800 mineurs laissèrent leurs vies à la suite d'accidents.

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Le mémorial des mineurs morts au travail

Le bassin potassique produisit également du pétrole. Entre 1951 et 1981, la Serpa y fit de nombreux sondages. Une nappe de pétrole fut atteinte en novembre 1951 à 1918 m de profondeur sur le ban de la commune de Staffelfelden. Le gisement produisit entre 1951 et 1963, 55000 tonnes de pétrole. D'autres gisements furent trouvés en 1955 à Reiningue et en 1957 à Bollwiller. Ces deux gisements produisirent jusqu'en 1963 moins de 20000 tonnes de pétrole.

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Bâtiment de traitement du minerais de la mine Rodolphe

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Les chevalets Rodolphe I et II

En 2016 ne subsistent que quelques vestiges de cette industrie qui fut longtemps le 1er employeur de la région. À Bollwiller subsistent du puits Alex, les bâtiments administratifs, les ateliers et la machine d'extraction. Du puits Ensisheim I subsiste la salle des machines. La mine Rodolphe, rachetée par l'Écomusée d'Alsace et le Conseil Général, conserve, à Ungersheim, l'ensemble des bâtiments de surface et les deux chevalets. Mais malgré les efforts des associations, l'ensemble n'est toujours pas intégré à l'Écomusée qui le jouxte. Le chevalet de la mine Théodore à Wittenheim qui avec ses 65 m de hauteur fut longtemps le plus haut d'Europe a été classé Monument historique le 17 août 1995. Il subsiste aussi les cités minières et quelques terrils.

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Le chevalet de la mine Théodore

Il reste en 2016 une mine en service. Il s'agit de Joseph-Else à Wittelsheim. Le puits Joseph avec ses 530 m de profondeur est le puits principal et le puits Else sert de puits d'aération et de secours. Chacun est surmonté d'un chevalet métallique d'une hauteur de 50 m. Ces deux puits donnent accès à un quadrillage de 10 km de galeries. Dans le cadre de la reconversion de ses activités, les MDPA reçurent, en février 1997, l'autorisation de créer un centre de stockage ultime de déchets (amiante, cyanure et mercure). Le stockage était prévu dans la couche de sel gemme situé entre les deux couches de potasse à 530 m de profondeur. Les premiers futs de déchets furent descendus en février 1999. En 2002, un incendie se déclara dans une galerie de stockage sur des déchets entrés illégalement sur le site. Cet incendie provoqua l'intoxication de 74 mineurs. Les pompiers mirent trois jours pour maitriser le sinistre. L'incident provoqua l'arrêt du stockage et, comme les galeries de Joseph-Else communiquaient avec celles de la mine Amélie, la fermeture de celle-ci.

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Le puits Else

Après des années d'expertise, il fut décidé de procéder au déstockage des déchets les plus dangereux. Ce déstockage, partiel, a débuté en 2014. De nombreux problèmes liés à la compression du terrain (de l'ordre de 30 cm par an) que subissent les galeries ralentissent et renchérissent les travaux.

Ces photographies ont été réalisées en octobre et décembre 2015.

 

Y ACCÉDER:

Les galeries des MDPA ne sont pas accessibles au public. Les vestiges de surface sont visibles depuis les routes passant à proximité. Des visites sont possibles lors des journées du patrimoine.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 24 janvier 2016

Cette page a été mise à jour le 24 janvier 2016