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Le cimetière israélite de Jungholtz

Le cimetière, un des plus anciens d'Alsace, s'enroule autour de la butte où s'érigeait autrefois le château de Jungholtz. Celui-ci a été érigé en 1220 où le domaine est occupé par le chevalier de Jungholtz. Le château fut détruit durant la Révolution française.

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La présence d'un cimetière israélite à Jungholtz ou à Hartmannswiller est évoquée dès le XIIIe siècle. Par contre, aucune trace n'a pu être établie au cours du XIVe siècle. Un article, paru dans le journal "Der Israelit" le 18 septembre 1890 et concernant le cimetière de Jungholtz, parlait de dalles funéraires datant du XVe et du XVIe siècle. La plus vieille dalle funéraire, actuellement lisible, date de 1624. En 1623, l'évêque de Strasbourg interdisait aux juifs résidant sur ses terres de posséder des synagogues et des écoles religieuses. Il les autorisait cependant à pratiquer leur culte au sein de leur foyer. Les seigneurs locaux se montrèrent cependant plus tolérants que l'évêque ou les abbés de Murbach. C'était le cas des barons de Schauenbourg occupant, depuis le XVe siècle, en tant que vassaux, le château de Jungholtz, propriété de l'évêque de Strasbourg. Les Schauenbourg s'étaient distingués durant la guerre de Trente Ans, mais en ce début du XVIIe siècle ils manquaient cruellement d'argent, ce qui n'échappa pas à la perspicacité de la communauté juive. Celle-ci désigna un groupe de notables pour négocier l'acquisition d'un terrain afin de créer un cimetière. Lehmann Rheinau, rabbin de Ribeauvillé, Hirtz Weill, Lehmann et Emanuel Bloch de Soultz et Wolf Wexler de Guebwiller négocièrent avec les barons de Schauenbourg. Ils ont obtenu, le 5 mars 1655, le droit d'ensevelir leurs morts dans une partie du fossé du château. Cette partie accueillait visiblement déjà des tombes. L'accord prévoyait que la communauté juive paye la valeur du terrain (en usufruit) et s'acquitte d'une taxe à chaque enterrement et que les Schauenbourg s'occupent du creusement des tombes.

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Une nouvelle concession fut négociée selon les mêmes termes par Lehmann Rheinau en 1670 puis à nouveau en 1680. En 1716, le rabbin de Soultz, Hitz Rheinau, fils de Lehmann Rheinau, négocia, avec l'aide de David Salomon de Thann, une nouvelle concession pour le prix de 1264 livres. À partir de 1730, la communauté juive de Jungholtz connut une forte croissance conduisant à la création d'une synagogue et d'une école talmudique. Cette augmentation de la population juive conduisit à l'acquisition d'une nouvelle concession en 1738 pour la somme de 1600 livres. La tradition juive prescrit qu'une tombe soit érigée à perpétuité. Elle ne peut être transférée ou détruite par un juif. L'exhumation des corps est également interdite sauf pour enterrer le défunt auprès de ses parents ou en Israël ou si l'inhumation a été déclarée comme provisoire. Un défunt entrant dans le cimetière ne peut en ressortir que pour le jugement dernier. Les corps doivent être disposés avec les pieds tournés vers Jérusalem et chaque corps doit être séparé des autres par une distance de six largeurs de mains.

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En 1752, le Grand Conseil d'Alsace abolit l'obligation faite au Schauenbourg du creusement des tombes, mais maintient les taxes d'inhumation à la charge des juifs. En 1767, le manque de place conduisit à l'acquisition d'une nouvelle concession pour la somme de 2000 livres et de 25 pains de sucre. En 1779, quarante et une communautés juives allant du nord de Colmar à Belfort étaient rattachées au cimetière de Jungholtz.

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La Révolution française amena une vague antisémite attisée par des députés réactionnaires tels que l'abbé Jean-Siffrein Maury (1746-1817) ou Jean-François Reubell (1747-1807) afin de détourner la colère populaire des biens du clergé ou de la noblesse. Le cimetière fut saccagé et les pierres tombales pillées pour servir de matériau de construction. Des 2000 tombes recensées en 1789, juste une dizaine traversa sans encombre cette période trouble. La Révolution française bouleversa profondément l'ordre féodal en vigueur. Les évêques de Strasbourg y perdirent leurs terres de Jungholtz au profit des cinq frères Schauenbourg. Mais ceux-ci ayant émigré, le domaine échoua à la nation et un administrateur fut nommé. En 1795, le domaine fut vendu comme bien national. La communauté juive s'en porta acquéreur pour la somme de 4000 francs. Après leur retour en France, Balthazar Schauenbourg et deux de ses frères contestèrent la vente. Ils obtiendront gain de cause et le terrain fut partagé en cinq lots. Les lots des émigrés furent cependant considérés comme appartenant aux biens nationaux et la communauté juive s'estima en être les propriétaires suite à l'achat initial. Ils en furent déboutés lors d'un procès.

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Afin de réacquérir le cimetière, la communauté juive procéda à l'échange d'un 1er lot contre un verger et racheta un 2e lot pour 2100 francs en 1798. Deux autres lots furent rachetés par la suite lors d'une adjudication publique pour 2800 francs et le dernier lot fut racheté en 1804 pour 2000 francs. En 1846, un oratoire constitué d'une salle pour les services funèbres et la toilette des morts fut érigé dans l'enceinte du cimetière. Durant le XIXe siècle, les différentes communautés, rattachées au cimetière de Jungholtz, seront en constante diminution. Celle de Jungholtz qui comptait, en 1784, 44 familles n'était, en 1880, plus que constituée de 12 personnes. Cette diminution des membres induisit des difficultés financières pour l'entretien du cimetière. Un article paru le 2 octobre 1899 dans "Der Israelit" nous informe que le seul juif résidant à Jungholtz est le fossoyeur du cimetière, mais que, entre autres, des Parisiens se faisaient inhumer ici.

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Durant la 1re Guerre mondiale, le cimetière souffrit de la proximité du champ de bataille du Hartmannswillerkopf. Un bunker allemand fut creusé sous la butte du château. La 2e Guerre mondiale apporta la barbarie nazie. Le cimetière, contrairement à d'autres, fut saccagé. La route de Thierenbach, qui contournait autrefois le cimetière, fut rectifiée et entama le cimetière en passant sur de nombreuses tombes. Quatre cents autres tombes furent détruites pour installer un terrain de sport pour les Hitlerjugend. Un dernier fait marquant eut lieu en 1952 avec la construction d'un mémorial pour les déportés dans les camps de concentration nazis. Actuellement le cimetière compte un peu plus d'un millier de pierres tombales et est toujours en activité.

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La façade du bunker de la 1re Guerre mondiale

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Le monument aux déportés

Lors de votre visite, respectez la tradition juive et déposez un petit caillou sur une tombe en signe de respect. Cela remplace les fleurs (symbole de la vie) qui sont proscrites par la tradition juive dans les lieux où dorment les morts.

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Ces photographies ont été réalisées en mars 2013.

 

Y ACCÉDER:

De Soultz, prendre la direction de Jungholtz puis celle du pèlerinage de Thierenbach. Le cimetière est sur la gauche de la route à la sortie du village. Un parking existe à la sortie du village d’où vous pouvez accéder au portail ouest du cimetière.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 31 mai 2013

Cette page a été mise à jour le 11 octobre 2015