Le tumulus Magdalenenberg

Le plus grand tumulus en Europe de l'Ouest datant de la période du Hallstatt a caché durant 2600 ans son incroyable secret. Les 136 inhumations secondaires du tumulus reproduisent la carte des constellations visible à cet endroit.

La présence d'une chapelle, durant le Moyen-âge, au sommet du tumulus lui a donné son nom. La montagne de Madeleine, Magdalenenberg. Cette chapelle devait au cours des années 1640 ne plus être fréquentée. Au cours des procès pour sorcellerie qui eurent lieu à Villingen à cette période, de nombreuses prétendues sorcières avouèrent (sous la torture, il va de soi pour l'époque) avoir dansé avec le Diable au sommet de cette colline artificielle. Le tumulus a un diamètre de 102 m et avait, initialement, une hauteur estimée entre 8 et 10 m (6,60 m actuellement). Son volume est estimé entre 33 000 et 45 000 m³. C'est en 1887 que le docteur Ernst Wagner, directeur du Groβherzoglichen Altertumshalle de Karlsruhe, identifie le monticule comme étant un tumulus. La première fouille fut réalisée du 2 au 10 octobre 1890 par Hubert Ganter, garde forestier à Villingen. Il creusa un entonnoir au sommet afin d'atteindre au plus vite la chambre funéraire supposée être au centre du tumulus. Il accéda à une chambre construite en bois remplie d'eau et de boue. L'humidité en avait assuré une parfaite conservation, juste le plafond s'était effondré. Le pompage de l'eau releva cependant une tombe pillée. Il ne restait dans la tombe que le squelette d'un homme et des débris de roues et de harnais de cheval. La tombe fut identifiée comme une sépulture à char typique des tumulus princiers de la période du Hallstatt (650 à 475 av. J.-C.).

Une nouvelle fouille fut entreprise par le docteur Konrad Spindler de 1970 à 1973. Plus d'une centaine de fouilleurs procédèrent à l'arasement complet de l'ensemble du tumulus. La chambre centrale a, à cette occasion, été prélevée et est depuis exposée au musée des Franciscains à Villingen. Les bois la constituant furent datés par dendrochronologie de 616 à 614 av. J.-C.. En 1975, le tumulus fut reconstitué. Les dimensions du tumulus posent cependant question. Elles supposent une grande communauté, mais aucune cité importante n'a, pour l'instant, été retrouvée à proximité. La seule implantation se trouve au sommet du "Kapf", situé à 4 km au nord-ouest. Cette implantation domine la confluence entre la Kirnach et la Brigach et fut occupée entre 600 et 550 av. J.-C.. Les occupants exploitèrent un filon de minerai de fer qui fut cependant rapidement épuisé. Un deuxième tumulus fut également identifié au peu plus au sud du Magdalenenberg.

La chambre centrale a été érigée sur un pavage en dalle de pierre formant un grand octogone aux côtés irréguliers. La chambre forme un rectangle de 8 m sur 6 m et est orientée au sud-sud-est. Les murs en bois étaient doublés, côté extérieur, par un parement en pierre. Elle contenait le corps d'un homme allongé sur un char avec la tête orienté au sud-est. L'orientation de la chambre et du corps est traditionnelle des autres tumulus connus dans le sud de l'Allemagne. Elle permettait également au défunt d'avoir une vue sur la cité du "Kapf". Au côté du défunt furent récupérés les restes d'un porc et un nécessaire de toilette. La tombe a été pillée 37 ans après sa fermeture. Un outil perdu par les pilleurs a été daté par dendrochronologie.

À la base du tumulus ont été retrouvés les vestiges de cinq rangées de poteaux en bois rayonnant depuis l'angle sud-est de la chambre. La rangée I est disposée en direction de l'est (120°), la rangée II en direction du sud-est (136°), la rangée III en direction du sud (177°), la rangée IV en direction de l'ouest (286°) et la rangée V en direction du nord-ouest (316°). Les archéologues ont pu déterminer que les poteaux traversaient toute la hauteur du tumulus et donc avait été mis en place avant sa construction. Ils dépassaient certainement du tumulus. Au vu des trous des poteaux de la rangée III, ceux-ci devaient être bien plus gros et donc bien plus haut que les autres rangées. Les poteaux n'étaient pas verticaux, mais légèrement inclinés vers l'extérieur du tumulus. La datation par dendrochronologie des restes des poteaux a donné pour la rangée V la date de 614 av. J.-C., de 618 av. J.-C. pour la rangée IV et de 616 - 614 av. J.-C. pour la rangée III.

Dans le tumulus furent mis à jour 126 tombes secondaires dans lesquels furent dénombrés 136 corps (10 tombes avec inhumations doubles). Parmi ces tombes, sept sont des incinérations. Les inhumations sont disposées selon deux groupes, au nord d'un axe est-sud-est / ouest-nord-ouest les corps sont disposés dans le sens horaire et au sud de cet axe les corps sont disposés dans le sens antihoraire. Les hommes ont été inhumés avec leurs armes en fer et en bronze (lances, épées, poignards) et les femmes avec leurs bijoux (bracelets, boucles d'oreilles, colliers). Les hommes et les femmes portaient des ceintures munies de plaques en bronze. Parmi les objets accompagnant les défunts furent retrouvés de nombreux objets en ambre notamment des épingles à cheveux et des poteries témoignant d'échanges commerciaux avec des pays lointains comme la Grèce ou les pays de la Baltique. Les analyses isotopiques relevèrent que les défunts avaient des origines locales, mais venait également des Alpes Suisses et Autrichiennes voir d'Italie. Trois des tombes ont été datées de 616, 604 et 593 av. J.-C.. Il a été déterminé que l'ensemble des inhumations avait été réalisé sur deux générations.

Dans les années 2000, l'archéologue Allard Mees du Römisch-Germanischen Zentralmuseum à Mainz remarqua une ressemblance entre la disposition des tombes secondaires et la représentation des constellations. Des observations plus poussées permirent d'identifier dans cette disposition les constellations suivantes : la Petite Ourse (Ursa Minor), la Grande Ourse (Ursa Major), le Dragon (Drago), le Bouvier (Bootes), la Couronne boréale (Corona Borealis), la Tête du Serpent (Serpens Caput), Hercules (Herakles), la Lyre (Lyra), La Flèche (Sagitta), le Cygne (Cygnus), le Dauphin (Delphinus), Cephée (Cepheus) et Cassiopée (Cassiopeia). La grande concentration de tombes du côté sud-ouest fut identifiée comme étant la Voie lactée. Les correspondances furent déterminées à l'aide du logiciel "Stellarium 9" qui permet le calcul de la position des étoiles à une époque donnée. Il fut ainsi déterminé que la carte dessinée par les inhumations correspond au ciel visible au Magdalenenberg du solstice d'hiver juste avant le lever du soleil au solstice d'été juste après le coucher du soleil de l'an 618 av. J.-C.. Cependant, le nombre de tombes ne correspond pas avec le nombre officiel actuel des étoiles de chaque constellation. Ce qui n'a rien d'étonnant, car celui-ci n'a été défini que récemment. Pour la Grande Ourse par exemple Homère ne cite que 5 étoiles alors qu'aujourd'hui elle en comporte 17. Il a également été établi que les inhumations doubles correspondent à des étoiles particulièrement brillantes. Dans la tombe n° 78 représentant l'étoile Vega de la constellation de la Lyre ont été inhumées deux femmes dont l'une portait une ceinture dont les plaques en bronze étaient ornées de représentation du Soleil et des étoiles. Cette tombe est considérée par les archéologues comme étant celle de la veuve du prince accompagnée de sa femme de chambre.

Le tumulus du Magdalenenberg offre une belle vue sur les Alpes dans la direction du sud-est. Il permet donc des observations des levées astronomiques dans cette direction. L'équipe d'Allard Mees chercha donc des correspondances. Il fut ainsi déterminé que les lignes de poteaux qui se croisent au niveau de l'angle sud-est de la chambre centrale avaient des alignements astronomiques. La ligne I est orientée selon le lever le plus au nord de la lune au cours de l'été et la ligne II selon le lever le plus au sud de la lune au cours de l'été. La ligne IV est orientée selon le coucher le plus au sud de la lune au cours de l'hiver et la ligne V selon le coucher le plus au nord de la lune au cours de l'hiver. Au solstice d'hiver, le soleil se lève entre les lignes I et II. L'orientation de la ligne III en direction du sud ne semble pas avoir de correspondance astronomique, mais la hauteur plus importante des poteaux pourrait être en corrélation avec les différentes phases de la lune. Aucune orientation astronomique ne fut reconnue à la chambre centrale.

Ces corrélations astronomiques ont permis de réaliser des datations. Le début de l'érection des poteaux de la rangée V fut ainsi daté de 618 av. J.-C.. La construction de la chambre et la première inhumation secondaire (tombe 36) dateraient de 616 av. J.-C.. La fin de la mise en place de la structure aurait eu lieu 23 ans après, soit en 595 av. J.-C.. Ces dates correspondent à celles obtenues par la dendrochronologie. Allard Mees avance l'hypothèse que le prince inhumé dans ce tumulus possédait, en plus du pouvoir matériel, un pouvoir spirituel et intemporel. Ces deux derniers pouvoirs auraient été transmis à un autre prince après sa mort. Ici, sa veuve semble avoir eu assez d'influence pour terminer la construction contrairement au tumulus de Glauberg où aucune inhumation secondaire ne fut effectuée après la mort du prince. Au Magdalenenberg, le prince fut inhumé deux ans après le début de la construction de la carte stellaire. Ce prince a été déifié, sa tombe en position centrale dans la carte stellaire fait preuve d'éternité. Les étoiles tournent éternellement autour de lui. Aucune tombe secondaire ne semble avoir été implantée au-dessus de la sienne, preuve du respect que lui vouait son peuple. Plutôt qu'un Prince, chef d'une cité, il s'agissait peut-être d'un Druide possédant un pouvoir d'une tout autre nature.

De Donaueschingen, prendre la direction de Villlingen et aller au centre-ville. La route passe au-dessus de la ligne de chemin de fer et d'une rivière. Puis emprunter la Kalhofenstrasse où il faut prendre à gauche la Laiblestrasse. La suivre jusqu'au bout et se garer près du sens interdit. Suivre à pied la rue qui se poursuit et prendre à droite à l'embranchement. Passer à côté du terrain de jeux et prendre à gauche à l'embranchement. À l'embranchement suivant, prendre à droite puis le 1^ersentier partant à gauche. Compter environ 30 minutes de marche.

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